Chapitre 12

159 9 15
                                    


Sophie

– Tu vas l'adorer.

   J'en doutais fortement : j'avais une peur bleue des docteurs depuis une opération que j'avais subie à l'âge de cinq ans. Une opération délicate qui plus est. Je soupirai. Je ne voulais vraiment pas y penser et surtout pas maintenant. À la place, je jetai un coup d'œil à la coupure sur ma cuisse. Quelle idée de tomber sur un râteau ! Il fallait vraiment être maladroite et, malheureusement, je l'étais affreusement. Je me raclai la gorge :

– Il me faut juste du désinfectant et un pansement. Pas besoin d'aller consulter le médecin de l'école, articulai-je d'une voix presque suppliante.

   Marella, aveugle à ma détresse, répliqua d'un ton moqueur :

– Et tu te balades souvent avec du désinfectant et des pansements ?

   Je baissai les yeux au sol. Sol sur lequel j'étais encore assise. Je me relevai en époussetant mon pantalon avant de répondre à la remarque de ma nouvelle amie.

– Quelqu'un doit forcément en avoir.

   Je jetai alors un regard suppliant à Calla, la jardinière. Elle devait forcément avoir une petite pharmacie installée dans son cabanon, non ? La détresse m'envahit. Mes cils tombèrent les uns après les autres. Ce n'est que lorsque je sentis une main réconfortante posée sur mon épaule que je me calmai. Calla m'observait calmement de ses grands yeux gris.

– J'ai l'impression que tu évites à tout prix de rencontrer Elwin, constata-elle de sa voix mélodieuse.

    Je baissai à nouveau les yeux. Ma panique devait faire peine à voir ! Je sursautai lorsque Calla me releva le menton.

– Moi aussi j'ai peur parfois. Je ne moquerai jamais de toi. Compris ? déclara-t-elle.

   Je hochai la tête, émue sans vraiment savoir pourquoi. Calla soupira, visiblement soulagée.

– C'est bien, petit colibri. Je n'ai malheureusement pas de pharmacie ici. Il va vraiment falloir que tu ailles voir Elwin. Entre nous, il est plus comédien que docteur. Mais je dois aussi reconnaître qu'il sait faire des merveilles.

   J'acquiesçai, la gorge nouée. Puis, le surnom que m'avait donné la jardinière m'interpella. Petit colibri ? Mais, avant que je ne puisse poser la moindre question, Marella me tira par le bras.

– On y va ! À la prochaine, Calla ! s'exclama-t-elle.

   J'étais loin de partager son enthousiasme mais je pris sur moi et dis au revoir à la jardinière.

---

   Nous nous retrouvâmes devant l'infirmerie bien plus vite que je ne l'aurais espéré. Marella me tapota le dos avant de me désigner la porte du doigt. Je devais toquer. Je soupirai de plus de belle. Je levai le poing lorsque j'entendis une voix particulièrement familière. J'arrêtai mon geste et me plaquai contre la porte pour mieux entendre.

Et donc, mon garçon, qu'est-ce que tu fais là ? Tu n'as clairement rien, dit une voix (sûrement celle du fameux Elwin).

Eeeeeelwiiiiiin, mon ami, je suis malheureusement bien atteint d'une maladie. Celle de vouloir à tout prix fuir les cours. En tant que médecin, tu devrais m'aider, répliqua la voix qui m'était familière, celle de Keefe.

   Je ne pus m'empêcher de hausser un sourcil en réponse à sa réplique. Tout le monde devait être atteint de la même maladie, alors. Seulement, certains la surmontaient plus aisément que d'autres. Et Keefe ne faisait sûrement pas partie des chanceux. Une piqûre dans le dos me ramena à la réalité.

Blue Eyes - Une Histoire SokeefeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant