Chapitre 16

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Sophie

Le regard de Fitz m'intimidait. J'avais l'impression qu'il cherchait à me communiquer quelque chose. Qu'il attendait une réponse. Sauf que je ne comprenais pas. Nous n'étions pas sur la même longueur d'onde. La moi d'il y a deux ans n'y aurait vu que du feu. Elle se serait dit que ce devait seulement être son imagination. Mais j'étais maintenant assez grande pour ne pas tomber dans le panneau. J'aimais bien Fitz. En tant qu'ami. Pas plus.

Donc, lorsque le jeune Vacker s'approcha de moi, je me surpris à reculer. Je lui adressai un sourire poli. Sourire qu'il me rendit, légèrement vexé.

- As-tu vu Keefe dernièrement ? demanda-t-il d'une voix légèrement inquiète.

Je me rappelai qu'il était le meilleur ami de Keefe et que je devais lui expliquer ce qui était arrivé. Alors, moi-même inquiète, je lui racontai les évènements survenus plus tôt. Il plaqua une main devant sa bouche, visiblement choqué, avant de sortir son téléphone de sa poche.

- Que fais-tu ?

J'avais beau avoir demandé, je connaissais déjà la réponse. Il essayait de joindre Keefe. Chose que j'aurais dû faire. Mais je n'avais pas osé, à cause d'un étrange nœud dans mon ventre.

Alors, la sonnerie du téléphone résonnant dans le self, nous attendîmes. Personne ne répondit.

Une surveillante aux cheveux rose bonbon se matérialisa soudain devant nous. Je clignai des yeux. Nous étions si absorbés par notre appel que nous ne l'avions pas vu approcher.

Fitz pâlit.

- Romhilda. Bonjour.

La surveillante baissa les yeux pour les planter dans ceux de Fitz.

- Je vous vois appeler quelqu'un depuis une bonne demi-heure. Vous dérangez les personnes autour de vous. Venez dans le couloir.

Nous la suivîmes sans contester. Du coin de l'œil, je vis Biana nous fixer. Mais je n'eus pas le temps de plus m'y attarder. Romhilda s'était penchée pour me parler.

- Qu'arrive-t-il à Sencen ? souffla-t-elle.

Je reculai de deux pas, suspicieuse. En quoi la vie privée de mon ami pouvait-elle la concerner ?

Fitz me chuchota à l'oreille :

- Avant d'être surveillante, Ro était la baby-sitter de Keefe. Elle le connait depuis plusieurs années. (Puis il ajouta encore plus bas ) : Si tu veux mon avis, elle est un peu comme sa grande sœur.

Je soufflai, soulagée.

- Sa mère a des problèmes. Avec la justice, lâchai-je d'un coup.

Loin d'être surprise, Ro se renfrogna.

- Tiens, du nouveau, marmonna-t-elle d'un ton ironique.

- Pardon ?

Que voulait-elle dire ?

Je n'eus pas ma réponse. Un autre surveillant nous interrompit. Il était gigantesque et devait probablement faire deux mètres. Il avait la mâchoire la plus carrée que j'ai jamais vue. Il toussota et bizarrement, quand il ouvrit la bouche, sa voix me parut bien plus aiguë qu'elle aurait dû l'être.

- J'ai cru saisir quelques mots de votre conversation. Je vous prierais d'arrêter. La vie privée d'un élève n'est pas quelque chose à divulguer.

Ma gorge s'assécha. J'étais honteuse. Heureusement, Fitz intervint.

- Nous sommes désolés Sandor. Nous sommes juste inquiets pour notre ami. Il ne répond pas à nos appels.

Le dénommé Sandor ne réagit pas. D'un mouvement de la main, il nous demanda de retourner au réfectoire. Alors que je m'y dirigeais, j'entendis Ro pousser un soupir. Un soupir plein d'inquiétude. Tout comme mon cœur.

Je sentais le regard de Fitz sur moi. Il s'inquiétait aussi pour ma petite personne. Après tout, aujourd'hui était censé être mon premier jour à FoxFire et je n'étais pas au meilleur de ma forme.

De retour dans le self, je m'approchai de Dex. Son visage n'affichait aucune fossette. Il m'offrit un sourire crispé.

- Alors ? demanda-t-il.

Je secouai la tête.

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Ma journée était loin d'être terminée. Mais, quand la sonnerie retentit, je me sentis plus épuisée que jamais. Je me dirigeai vers la salle d'anglais, le cœur lourd. Je m'arrêtai devant la porte, surprise par ce que je voyais. Deux jumeaux. Une fille. Un garçon. Tous deux aux pointes argentées.

Le garçon me dévisageait derrière sa frange. Il me semblait ténébreux, repoussant les autres d'un seul regard. Quant à sa sœur, elle était son opposé. Elle rendait son sourire à chaque personne qui la saluait. Je la fixai. Je ne savais pas pourquoi mais ils me paraissaient... nouveaux. Comme moi. Ils ne connaissaient visiblement personne. Quand la fille remarqua mon regard sur elle, elle s'approcha. Je rougis, embarrassée.

Une fois à ma hauteur, la jumelle me tendit la main.

- Je m'appelle Linh.

Je saisis sa main, acceptant son invitation à sympathiser.

- Je m'appelle Sophie.

- Sophie. C'est un joli prénom.

J'allais la remercier lorsque son frère nous rejoignit. On aurait dit une ombre. Plantant ses yeux dans les miens, il dit à sa sœur :

- Que fais-tu avec cette fille ?

Linh leva les yeux au ciel.

- Je socialise. Mais il faut croire que tu ne connais pas ce mot, répliqua-t-elle.

Le garçon à la frange soupira, habitué à ce genre de remarque. Il me regarda, ouvrit la bouche et prononça une première voyelle avant que sa sœur ne le coupe.

- Il allait te dire de partir. Il s'appelle Tam et, continua-t-elle avec un sourire, il est mon frère jumeau. Mais tu l'avais probablement remarqué.

Je souris à mon tour.

- Effectivement, répondis-je.

Linh posa sa main sur mon épaule en un geste suppliant.

- Toi aussi, tu es nouvelle ? demanda-t-elle.

- Oui.

Tam soupira à nouveau.

- On doit entrer dans la salle, déclara-t-il d'un ton sans émotion.

Linh m'adressa un sourire crispé, visiblement désolée, avant de suivre son frère à l'intérieur de la salle. Je les vis choisir leur place, côte à côte. J'allais entrer à mon tour lorsque j'entendis une langue claquer dans mon dos. Je me retournai et fis face à ma prof d'anglais, Mme Galvin. Une femme élancée aux cheveux serrés en un chignon me jaugeait de la tête aux pieds.

- Are you Miss Foster ? demanda-t-elle.

J'avais quelques bases en anglais.

- Yes, I am. I'm new here.

Elle fut prise d'un rire léger, presque faux.

- I already know it my dear and I don't care. You're already annoying me and it's bad. Really bad. You do not want to go in detention while I'm in charge.

Je retins mon souffle. Effectivement, je n'avais pas envie de faire des heures de colle. Surtout, surtout, si elle était en charge.

Elle claqua à nouveau la langue.

- Go take a seat.

J'obéis.

Blue Eyes - Une Histoire SokeefeWhere stories live. Discover now