15. Bonté Divine

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C'est sans maquillage que je me rendis en cours ce matin. Vêtue d'un legging noir, de baskets et d'un tank top, j'étais en forme optimale pour les 4 heures d'EPS que nous avions avec M. Rouland. Mon sommeil semblait avoir été plus réparateur que prévu. Je m'étais levée si tôt que j'eus le temps de me préparer ET déjeuner. Un record pour la retardataire chronique que j'étais. C'est dans un ensemble jogging survêt' impeccable que M. Rouland nous est apparu. Son bronzage semblait défier les lois de la nature et le vert de ses yeux pétrifiait littéralement les lycéens qui eurent le malheur de croiser son regard de braise. Il ne m'impressionnait pas vraiment, mais je devais admettre qu'il était beau garçon. Je devais également admettre qu'il avait commencé la musculation trop tôt. Il était bien trop petit pour moi. Suis-je immorale en jugeant la virilité d'un homme à sa taille? Sûrement. Mais je me dis que les garçons font pareil en jugeant la féminité d'une fille à la taille de sa poitrine ou ses fesses.

"Non, vous n'êtes pas dans un rêve, je suis bel et bien réel." commença-t-il en nous servant à tous son sourire Colgate. Puis il se toucha à plusieurs reprises la verge feignant une démangeaison et je fis la grimace. Il n'y avait rien de plus répugnant que des garçons qui se tripotait systématiquement les parties. Nour leva les yeux au ciel et je ne pus m'empêcher de chercher le regard de Clara pour me moquer de ce golden boy à deux sous. Ma colloc' ainsi que sa classe était introuvable. M. Rouland leva la main et tout le monde se tut. J'observais la grande horloge digitale du gymnase pour voir combien de temps nous avions perdu avant de détourner le regard, déçue.

"Suite à un changement d'emploi du temps..." commença -t-il, et quelques garçons commencèrent à crier et sauter dans tous les sens. Nour et Mehdi s'adressèrent un bref regard, qui fut tout de même intercepté par Yaëlle, Léo et moi. Je n'étais donc pas la seule à savoir. "Vous n'aurez pas cours d'EPS ce matin." finit-il. Mais le rictus sur ses lèvres roses ne m'inspira guère confiance et j'attendis d'un œil soupçonneux qu'il nous annonce la mauvaise nouvelle. Il se tripota à nouveau les bijoux avant de poursuivre.

"Au lieu de cela, vous aurez PPP durant toute la journée, avec votre professeur principal. Mouahahah." annonça -t-il et quelques élèves manifestèrent leur mécontentement. "Les séances de projets professionnels personnalisés sont le moyen pour nous, professeurs de vous regarder foncer droit un mur." ricana-t-il, en fixant la classe des élèves ayant rouspété. Puis il prit un ballon de hand et pris son élan avant de bondir dans la surface de réparation lancer le ballon droit dans la direction du sol. Les élèves prirent leur inspiration, s'apprêtant à se moquer de lui.
Yaëlle se mit à applaudir et tous les regards se tournèrent vers elle. Je fixais le ballon avec attention et découvrit qu'il tournait sur lui-même à une vitesse si rapide qu'il donnait l'impression d'être immobile. Il prit ensuite la direction opposée et fut projeté dans la cage du gardien avec la puissance du rebond. Rouland fit un clin d'œil à Yaëlle, la seule à avoir identifié la technique, avant de reprendre. "Et l'occasion pour vous, élèves de dévier votre trajectoire et ne pas foncer dans ce mur." déclara-t-il. Son regard bienveillant me fit réfléchir, et je réalisai que je ne connaissais absolument rien de cet homme hormis ce que les élèves avaient pu me dire de lui. Peut-être qu'il n'était pas si terrible après tout.

"Je prends donc ma classe de Terminale L. Vous défilerez par ordre alphabétique dans mon bureau."

Parfait.
"Pour changer j'ai décidé de commencer par la fin de l'alphabet."
Conard !
"Veillon? Veillon Emma?"
"Oui?"
"Je pense que tu peux me suivre."
me dit-il avant de quitter le gymnase.

[...]

C'était donc dans ma tenue de sport que j'étais entrée dans son bureau. Il avait voulu me serrer la main avant que nous commencions et je l'ai regardé de haut. Enfin assise, il est allé droit au but.

"J'ai la douloureuse impression que vous ne me portez pas vraiment dans votre cœur. Est-ce que je me trompe?"
"Vous m'enlevez combien de points au Bac si je vous dit la vérité?"

"Vous pouvez être honnête avec moi, puisqu'au final ce n'est pas moi qui vous noterai le jour du Bac." me répondit-il en faisant un clin d'œil.
"Je préfère ne pas me prononcer." répliquais-je poliment. Bien sûr que je souhaitais me prononcer, j'avais beaucoup de choses à lui demander. Comme par exemple : comment se fait-il qu'un professeur d'EPS soit prof principale d'une terminale L ? Vraiment? En 2015 ?
"Très bien. Il semblerait que vous vous soyez bien intégré dans votre nouvelle classe mademoiselle Veillon. Quelle est votre secret?" demanda-t-il avec beaucoup d'intérêt.

Je ne compris que trop tard que cet entretien n'était qu'un prétexte pour m'espionner. Pourquoi ne parlions nous pas de mon futur? De mes projets? Quelque chose me disait que je n'avais pas seulement attisé la curiosité des Olympiens et autres élèves de ce lycée. Les professeurs aussi en avaient après moi. Ma réponse sortit avec naturel.

"Je suis restée moi-même."

MYTHOLOGIESWhere stories live. Discover now