6. L'une des leurs

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L'obscurité. L'obscurité la plus absolue. Je ne sentais pas mon corps, ou plutôt je sentais tout sauf mon corps. Les racines de millions d'espèces végétales puisant en moi la force de vivre, la force d'être. J'étais la terre, j'étais la mère, et dans un silence presque sacré j'accueillais en mon sein tout ce qui tombait, tout ce qui ne fut plus. 

Des coups de sabots marquait régulièrement le sol, puis des gémissements étranges. Ils étaient deux, probablement des dieux, ou pire encore, des titans, comme moi. Leurs hurlements ne m'étaient pas audible, mais les va et vient de leurs corps puissant m'étaient perceptibles. Étaient-ils en train de se battre, ou de s'étreindre ? Je ne le saurai jamais. Je n'entendrai jamais non plus les obscénités du titan. Seulement la violence inouïe de cet acte que certains jugeraient contre nature. Contre ma nature ? Quelle ironie.

Leur querelle prit fin de manière si inattendu que je cru que l'un d'eux fut tué. Peut être que ce n'était plus qu'une question de temps. D'autres bruits de pas, douloureux cette fois-ci se firent sentir. Ils étaient lourds et putrides. Chaque empreinte laissant en moi le goût fétide de la mort : un gardien de la destruction marchait sur la terre.

Je me changeai alors en gaz et m'échappait du sol afin de mieux constater cette scène digne d'une fin des temps. Typhon s'était lancé à la poursuite du titan Priape, qui avait détalé à sa vue. Le dieu Pan semblait vouloir s'interposer, comme pour protéger Priape. Instinctivement je réduisis à néant mon ouïe. Le dieu de la nature inspira tant d'air autour de lui que l'atmosphère changea de composition. Il hurla ensuite de toute ses forces, et son cri de PANique mit Typhon en déroute. Avant de disparaître dans le néant dont il s'était échappé Typhon blessa Priape au loin et ce dernier s'écroula sur le sol. Je pouvais sentir l'énergie du dieu de la fertilité s'évaporer dans l'air. Je regagnais la terre, tentant d'effacer les traces de Typhon et m'interrompit dans ma tache lorsque des larmes de dieu me tombèrent dessus. Elles avaient un goût bien particulier, celui de l'amertume et de la mélancolie : c'était les larmes de Pan.

[...]

J'ouvris les yeux pour constater que j'étais dans le bureau de l'infirmière. Beaucoup de gens étaient autour de moi et mes paupières mirent du temps avant de complètement s'ouvrir. Lorsque mes yeux s'habituèrent enfin à la lumière ambiante, je constatais avec stupeur que j'étais en débardeur sous un drap et que les personnes autour de moi n'étaient nul autre que Kimya, Charlotte, Alice, Thomas, Félix et Sonia la bras droit de Yaëlle. L'infirmière n'était pas dans la pièce. Mon premier réflexe fut d'essayer de me lever et de quitter la pièce. J'avais encore mal à l'épaule, et je ne leur faisait absolument pas confiance en ce qui concernait les civilités. Les seuls témoins c'était eux, il pouvait clairement m'arriver n'importe quoi. 

"Tu devrais rester couchée." commença Kimya. "Tu vas avoir besoin de force." me conseilla -t-elle. Que pouvait-elle bien m'annoncer de si grave ? Était-il arrivé quelque-chose à Clara ? Je cru avoir pensé au pire, jusqu'à ce qu'Alice prenne la parole. Sa voix était comme désincarnée, comme si elle n'arrivait pas à croire ce qu'elle disait :

"Ce livre que tu chéri tant." commença-t-elle en me présentant le livre de ma mère. Mon sang se glaça. "Je l'ai lu lorsque j'étais en classe de primaire." poursuivit-elle en feuilletant quelques pages avant de s'arrêter et me le présenter à nouveau. "C'est moi qui ai corné la page au niveau de la description d'Athéna." finit-elle.

"Les garçons découvrent la sexualité en matant des pornos et les filles en lisant des romances... Cette phrase Yaëlle l'a sortie en classe il y'a quelques années. On avait toutes tiqué pendant la réunion quand tu as répété la même chose, mais on savait pas pourquoi..."

Je me mordillais la lèvre jusqu'au sang. Avais-je été démasquée ?

"Vous ne portez pas le même nom de famille ce qui m'as rendu la tâche compliquée." commença le délégué de la classe. "Mais c'est la seule personne à avoir pu te filer autant d'infos. On a assuré nos arrières." précisa Félix avant de ré-ajuster ses lunettes. Il ne m'avait jamais paru aussi menaçant.

MYTHOLOGIESWhere stories live. Discover now