Prologue

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On disait que j'étais folle, simplement parce que je n'ai jamais eu peur d'être seule. On me traitait d'aliénée parce que j'ai toujours été incroyablement empathique... Un peu culottée non ? Mais je ne pouvais leur en vouloir. Non pas parce qu'ils auraient pu avoir raison, mais plutôt parce que je n'y arrivais pas. Peu importait à quel point j'essayais de haïr le monde extérieur, ma colère restait bloquée dans mon thorax et je ne pouvais les atteindre.
Une partie de moi se renvoyait toute cette haine contre elle-même, autant vous dire que ça faisait plutôt mal. Un jour mon psycho a fini par abandonner mon cas. Il disait que j'étais une serpillière à émotions. Il m'avait jetée hors de son bureau, m'expliquant gentillement que je lui faisais perdre son temps et l'argent de mes parents. Avec le temps, Google m'a appris que ce n'était même pas légal :

« Votre empathie est une tumeur, Emma. Il faut la retirer avant qu'elle ne vous tue à petit feu. » avait-il glissé dans ma poche avant de me pousser hors de son bureau.

En sortant, je m'étais assise sur les marches en pierre de taille et j'avais versé quelques larmes muettes. J'ai Googlé la définition du mot empathie avant de tomber sur Wikipédia. Juste pour savoir si l'on pourrait un jour me retirer cette tumeur :

L'empathie (du grec ancien ἐν, dans, à l'intérieur et πάθoς, souffrance, ce qui était éprouvé) est une notion désignant la « compréhension » des sentiments et des émotions d'un autre individu, voire, dans un sens plus général, de ses états non-émotionnels, comme ses croyances (il est alors plus spécifiquement question d'« empathie cognitive »). En langage courant, ce phénomène est souvent rendu par l'expression « se mettre à la place de » l'autre. Cette compréhension se produit par un décentrement de la personne (ou de l'animal) et peut mener à des actions liées à la survie du sujet visé par l'empathie, indépendamment, et parfois même au détriment des intérêts du sujet ressentant l'empathie.

J'étais déjà installée à l'avant du bus lorsque ma colère avait explosé : il s'était moqué de moi ! Je n'étais pas atteinte d'une tumeur. Mais encore une fois, je ne pus décharger ma colère sur lui : c'était entièrement ma faute. Le pauvre devait avoir tant de patients ayant des problèmes plus graves que les miens... pensais-je, le nez collé contre la vitre.  Et puis ça m'apprendra à prendre tout pour argent comptant. T'es trop conne ma pauvre... chuchota une voix lointaine dans ma tête.

Peu importe, j'ai toujours pensé qu'il valait mieux être trop crédule que trop méfiante. Je voulais que les gens se sentent bien près de moi, pas qu'ils s'enfuient, et pourtant personne n'osait m'approcher.

J'ai toujours eu des difficultés à communiquer mes idées aux autres. L'erreur à ne pas faire lorsqu'on va au lycée. Rapidement j'étais devenue la cible favorite d'un gang de Barbies. Alors j'utilisais un jeu de boucliers.

J'avais lu dans un livre de Jonathan Stroud que tout le monde possédait deux types de boucliers : les boucliers entrants, et les boucliers sortants. Les boucliers entrants sont ceux qui aspirent les éléments du monde extérieur tout en les filtrant et les boucliers sortants sont ceux qui font jaillir vers le monde extérieur, les éléments de notre monde intérieur. J'en avais parlé à mon ancien psychologue il y a deux mois, et il m'avait répondu ceci :

« C'est très intéressant Emma. Je pense que vos deux boucliers sont enfilés l'un par-dessus l'autre et qu'ils fonctionnent tous les deux à l'envers. » avait-il jeté dans mes oreilles comme une cocotte dans une corbeille à papier. Mais ce jour-là, j'avais fouillé la corbeille et j'avais lentement déplié et défroissé le papier avant de le lire, car pour la première de ma vie, quelqu'un comprenait et parlait mon langage. 

Dans la langue des petites sottes de mon lycée cela reviendrait à dire que : « Je m'attache trop vite, et je ne sais pas m'imposer. »

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