9. Fantôme du Passé

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"Tu te fiches de moi?!"

Comment avais-je pu être aussi maladroite. Ce genre de situation m'arrivait tellement souvent, presque comme si mon inconscient envoyait des messages vers l'extérieur sans avoir l'accord de mon cerveau.
Je m'en voulais d'avoir été aussi peu précautionneuse. Les yeux de ma mère s'embuaient de larmes et je réalisai avec terreur que je venais d'entrer à nouveau en guerre avec elle.

"Je..." commençais-je, et ses sourcils se froncèrent davantage.

Son regard n'était plus aussi gelé qu'auparavant, le bleu de ses yeux ne cessait de s'agiter. Se pourrait-il qu'elle soit en proie à la panique? Qu'avais-je fait?
Mon père me disait souvent que ma mère m'aimait plus qu'elle-même. Que j'étais une enfant très spéciale et que cela n'avait pas toujours été facile pour elle. Il admirait beaucoup sa ténacité et sa capacité à se relever malgré les chutes. J'avais du mal à le croire, car la manière dont ma mère me montrait son amour était incompréhensible. Elle m'avait abandonnée pendant des années pour aller enseigner à Paris en semaine, et ne rentrait le week-end que pour plonger dans ses copies.
Je pense que j'ai réalisé à quel point ma mère tenait à moi à l'hôpital lorsqu'elle pleurait sur moi, même pendant mon sommeil. Mais la peine qu'elle m'avait infligé quelques heures plus tôt n'était pas compensée par cette amour. Déméter porte aussi en elle la notion d'équilibre, ce que ma mère ne possédait pas. Elle était excessive, entière et territoriale. Je trouvais que son signe astrologique lui correspondait mieux que n'importe quel autre divinité, elle ferai une meilleure Lionne que Déesse.

Sa lèvre inférieure tremblota et je la libérai enfin de son tourment.

"Je suis pas enceinte." dis-je simplement avant de pousser ma chaise. Le repas était terminé, j'avais ressassé bien trop de mauvais souvenirs pour que nous puissions continuer à manger comme si de rien n'était.
"Comment peux-tu faire ça après tout ce qu'il t'as fait?" pensa-t-elle à voix haute. Les chiens ne faisaient pas des chats, ma mère ne pouvait pas garder ses idées pour elle, même si elles n'étaient qu'au stade de pensées.
"Il essayait juste de..."
"ARRÊTE DE LUI TROUVER DES EXCUSES, BORDEL !" rugit-elle dans mes oreilles. Dépourvue de mes boucliers je pris son attaque de plein fouet et voulu réagir presque immédiatement. Mais ma réplique resta coincée dans ma gorge. L'ancienne Emma voulu prendre le relais pour affronter ma mère, mais je lui fit comprendre que ses méthodes étaient obsolètes. Inefficaces contre la reine mère.

La meilleure arme contre ma mère restait l'ignorance et la dérision. C'était risqué, mais bien plus prudent que d'aller au corps à corps avec elle.

"Maman. Ce n'est qu'une photo, te met pas dans des états pareil." glissais-je doucement.
Elle leva le sourcil droit et un frisson me parcouru l'échine. Mon visage n'était que sérénité et apaisement. Même si intérieurement je voulais courir pour ma vie. Elle m'attrapa par la main.
"Emma... On en a déjà parlé." reprit-elle d'une voix qu'elle tenta de maîtriser du mieux qu'elle pu.
"Je sais..." fis-je en levant les yeux au ciel.
"Si tu as un problème, tu peux venir m'en parler. Tu n'as pas à invoquer les fantômes du passé."
"Je sais..."
répondis-je en détournant le regard et me rasseyant.

Je débarrassais mon assiette et remontais lentement les escaliers avant qu'une odeur de tabac ne parvienne jusqu'à mon nez. Des larmes me barrèrent la vue, et je dû m'accrocher à mon escalier pour continuer la montée.
Ma mère ne fumait plus depuis des années, mais lors de grands chocs émotionnels, la nicotine semblait être son seul remède.
Je m'en voulais d'avoir été aussi inconsciente, je causais plus de mal que de bien autour de moi. Je décevais toutes les attentes et me demandai tout de même pourquoi j'étais aussi seule et incomprise. J'avais trahi la confiance de Nour, enfreint le code d'honneur de Yaëlle et j'avais été odieuse avec Clément et Ilkay.

Je m'écroulais sur mon lit et m'effondrais en sanglots silencieux. Même Morphée semblait réticent à m'approcher. Le sommeil fut difficile à obtenir et la première partie de ma nuit fut sans rêves.
Je fus réveillée par des caresses invisibles. Lorsque j'ouvris les yeux, je n'aperçut personne. J'avais été allongée sur mon king size bed et j'étais bordée jusqu'au cou. Cette petite attention me réchauffa le cœur et je m'endormis à nouveau.

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