1. Nouveau départ

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Le fantôme de l'été semblait encore hanter les rues de Montreuil, à la recherche de jeunes âmes mélancoliques à tourmenter. Les feuilles mortes voletaient avec nonchalance autour de moi. C'était la pré-rentrée des classes au lycée Michel Montaigne et comme tous les internes, je me devais d'intégrer mon dortoir.
Je ne savais presque rien de ce nouvel établissement dans lequel ma mère m'avait inscrite, hormis qu'il était bien moins réputé sur Google, que celui où j'étudiais jusqu'alors. Une chose était sûre : je repartais une fois de plus à zéro. Cela m'excitait et m'effrayait en même temps.
Un bref coup d'œil à mon GPS me confirma que je me trouvais bien dans la bonne direction, je décidai donc d'accélérer le pas. Les roues de ma valise crissaient sur le béton tandis que je cherchais l'entrée de l'établissement. Un immense portail noir s'imposa dans mon champ de vision et je ralentis aussitôt la cadence.
"Vous êtes arrivés à votre destination." siffla mon Wiko.
Des barreaux épais striaient le portail de part et d'autre : les vacances étaient belles et bien finies.
Près du perron, un homme d'âge moyen aux traits presque canins montait la garde et vérifiait l'identité de tous les futurs internes.

"Pffff. Comme si on allait s'amuser à aller au lycée avant la rentrée. Pour le plaisir d'apprendre..." souffla une fille, avant de passer le portail avec dédain. Le gardien leva les yeux au ciel comme pour dire : Cette promo est encore pire que celle de l'année dernière...
Je montrais ma convocation et le saluais poliment avant de passer l'épreuve du feu à mon tour.

Les deux tiers du lycée étaient les vestiges d'un ancien château, et le tiers restant était bien plus récent. Des tags avaient fleuri un peu partout sur les façades comme pour rappeler que nous étions en banlieue Parisienne. Ce côté un peu bâtard que dégageait le complexe scolaire me confortait dans l'aversion que je vouais déjà à l'enseignement : il était inutile, moche, malsain ET chronophage.
Ma valise grinçait contre le lino du couloir tandis que je me dirigeais vers la chambre 24. Je sentais le regard des élèves se poser sur ma tête et ne pus m'empêcher de remettre une centaine fois mes cheveux en place.
Ma couleur de cheveux non identifiée (à mi-chemin entre le brun, le roux et le blond d'après ma mère) semblait amuser certaines filles. Mais à quoi bon batailler dès mon premier jour? Et puis j'avais l'habitude maintenant.
Plus que quelques mètres...
Mes cheveux battaient contre mes épaules tandis que ma respiration se faisait de plus en plus saccadée. Arrivée près de mon nouveau logis, je voulus frapper, mais la porte se déroba sous mon poing.

"Je t'attendais !" s'exclama une jeune fille un peu plus âgée que moi, et avant que je ne puisse objecter, je fus happée dans la chambre. La porte fut verrouillée à double tour derrière moi.

J'écarquillais les yeux de surprise, mais je n'osais rien dire. J'étais absorbée par la vue de ma nouvelle chambre, au point que j'en oubliais totalement la présence de ma future colocataire. C'était un logement plutôt sobre, propre à l'esthétique estudiantine : deux bureaux, deux chaises roulantes diamétralement opposées, deux lits superposés dans le fond de la pièce et une salle de bain isolée.
Yesssss ! criais-je intérieurement en serrant le poing. L'idée de partager une douche commune avec d'autres filles me terrorisait...
Les murs étaient d'un vert plus inquiétant qu'autre chose, mais heureusement pour moi, le sol était tapissé de moquette : j'adore la moquette.
Je joignis mes mains en une ultime prière, comme pour remercier les Dieux de ne pas m'avoir envoyé dans le trou du c*l du monde.

"Heuh...Allô ?" m'interrompit la jeune fille en face moi, en agitant sa main de gauche à droite.

Après ma brève inspection, je reportais enfin mon attention sur la pauvre personne se tenant près de moi, peut-être même trop près. Sa valise était ouverte sur son lit et, à en juger l'état de son placard, elle n'avait pas fait le tri avant de se barrer de chez elle.

MYTHOLOGIESWhere stories live. Discover now