Chapitre 12

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L

ucien rentra à minuit et demi à son domicile du 148, rue peclet. Il était submergé par une vague de tristesse, mais également d'angoisse, celle d'être confronté à la lourde tâche que de préparer son suicide. A vrai dire, il n'en avait absolument pas l'envie, mais il savait bien qu'il ne supporterait plus une seule seconde de sa vie s'ils se mariaient. Car oui, il l'aimait. Il l'aimait profondément, comme jamais cela n'était arrivé auparavant, dans sa courte vie.

Lucien émit deux options qu'il pourrait utiliser pour mettre fin à ses jours. Il se suggéra tout d'abord de verser du cyanure dans son cocktail, puis pensa à se jeter dans la Seine depuis le bateau-mouche dans lequel se terminerait la soirée. Mais il pensait à autre chose, à un autre suicide encore moins douloureux. Lucien se dit alors qu'il était d'une cruauté incorrigible envers lui-même, puis laissa dégouliner un long filet de larmes sur sa joue gauche :

« C'est dommage, pensa-t-il, j'aurai eu une courte vie. »

Ses fines larmes se transformèrent en grands sanglots. Il pleurait comme un bébé.

Une voiture passa à vive allure devant lui, comme si elle cherchait à l'éviter. Il se sentait vraiment seul. Il aurait aimé avoir quelqu'un à qui parler, à qui parler de ses souffrances, les souffrances d'un homme amoureux.

Quand il était plus jeune, Lucien était souvent considéré par ses amis comme un coureur de jupons. Pour dire vrai, il l'était encore jusqu'à ce qu'il ne tombe fou amoureux de Marion. Ce jour-là, il perdit cette vision à la limite de la misogynie des filles. Marion imposait le respect. Elle était belle, possédait de beaux yeux et une chevelure d'une beauté exceptionnelle.

Lorsqu'il était en CM1, il était ami avec un certain Georges Fertières, qui faisait justement partie de cette classe de garçons qui parlait des filles en disant « gonzesses », « nanas » ou bien même parfois « femelles ». Lucien le surnommait presque affectueusement « le polygame » en raison des nombreuses histoires que celui-ci lui racontait, qui traitaient en général du sujet. Il y en avait une comme quoi lorsqu'il rentrait chez lui après les cours, une cinquantaine de filles se traînaient à ses pieds, lui suppliant de les emmener avec lui. Bien entendu, Lucien n'y croyait pas, mais il jouait son jeu. Ce Georges Fertières avait finis par être exclu de l'établissement pour propos islamophes et xénophobes, ainsi que pour consommation de tabac dans l'enceinte de l'élémentaire. Il en était parti en chantant La mauvaise réputation pendant que son père lui tirait l'oreille, une chanson qui, d'ailleurs, était contextuelle. Depuis ce jour, Lucien ne l'a plus jamais revu. Georges aurait ensuite été expulsé d'une seconde école, puis ses parents auraient déménagé à Marseille.

Lucien revint brusquement à l'instant présent lorsqu'il s'aperçut qu'il était devant son immeuble. Il saisit le code d'entrée et ouvrit. Il monta les six étages jusqu'à se trouver devant sa porte, une porte qui menait au confort. Mais il savait qu'il n'en profiterait pas, il était beaucoup trop malheureux. Il ne pouvait pas se permettre de faire semblant d'être joyeux, bien qu'il n'y ait personne à qui le montrer chez lui. Il se décida finalement et poussa la porte. De l'intérieur lui parvint un cri et Lucien vit que ses meubles étaient renversés, que les feuilles de ses quelques « rêveries » littéraires comme il les appelait étaient éparpillées sur le parquet. Sa Remington était, quant à elle, intacte, par miracle. Puis Lucien vit un homme qui tentait de s'échapper par la fenêtre. Alors, il hurla. Il hurla quelque chose qui ne voulait rien dire.

Sa vie venait de s'écrouler.

AmoureuxWhere stories live. Discover now