Chapitre 17

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I

l se réveilla tard et de gros cernes encerclaient ses yeux. Il avança jusqu'à la table de la salle à manger de son appartement, il s'y assit un instant et contempla la rue. Des dizaines de gens s'y empressaient. Il regarda la mairie et vit que quelque chose avait changé, que sa façade était devenue plus sombre, mais c'était très probablement psychologique. Il se dit que c'était le moment parfait pour mettre fin à ses jours. Il avança très lentement vers sa fenêtre encore fermée. Lucien l'ouvrit avec courage et observa les quelques vingt mètres de hauteur qui le séparaient du sol. Il avait toujours eu peur du vide et se dit en riant nerveusement que c'était l'occasion pour lui de vaincre cette phobie. Il prit un tabouret et monta dessus pour pouvoir avoir les jambes plus hautes que le garde-corps. Lucien n'avait jamais été très grand ; aujourd'hui, il devait faire dans les un mètre soixante-dix. Il regarda à nouveau le vide. Sa vision se troublait à sa vue, et il avait réellement peur de l'altitude à laquelle il était confronté. Il recula et se cassa la figure sur le tapis bleu qui décorait son parquet. Il hésitait soudain à sauter. Il savait qu'il le fallait car il avait perdu tout espoir de trouver quelqu'un de pareille à Marion et de toute façon, sa lutte contre la jalousie mais surtout l'amour débordant qu'il éprouvait pour elle lui avaient laissé trop de séquelles pour qu'il puisse poursuivre sa vie. Mais il le fallait. C'était « pour son bien ». Lucien se réinstalla sur le tabouret. Il ne regarda pas le vide mais plutôt l'horizon bleu où flottaient quelques nuages blancs.

« Dans quelques instants, pensa-t-il, je vais découvrir si Dieu existe ou bien pas du tout. Je vais peut-être découvrir le secret de la Création. Je vais peut-être y revoir mes parents, Elvis Presley, Claude François ou Brassens, qui sait. Je vais revoir... »

Lucien s'interrompit et entonna une Marseillaise avec fureur incontrôlable. Il commença à apercevoir des doigts le pointer et des « Il est fou ! » se dire chez les personnes fumant à leur fenêtre. Cela lui donna envie de chanter encore plus fort.

« Contre nous de la tyrannie, l'étendard sanglant est levé, l'étendard sanglant est levé ! »

Il était fier de se ridiculiser. A la fin du chant patriotique, il dit avec un air arrogant :

« C'est pour toi que je fais ça,

Ma sœur Marion,

Je me suicide pour toi.

C'est mieux que de crever d'un cancer, non ? »

Lucien sauta d'un bond puissant. Il heurta le feuillage d'un arbre du trottoir, contempla l'horizon azur puis s'écrasa violemment au sol. 

AmoureuxWhere stories live. Discover now