Chapitre 15

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C

'était le quatrième jour de la deuxième partie des examens de fin d'année, celle qui comprenait les rédactions. Lucien écrivait avec poésie et ambition un texte somptueux, aussi émouvant que celui qu'il avait terminé la dernière fois qu'il avait touché à sa Remington, qui était encore plus personnel. Il avait un réel intérêt dans ce qu'il écrivait. Il racontait sa vie, avec simplicité et émotion. Il savait bien que ce serait son dernier texte, et il avait pour l'occasion décidé de l'écrire à la première personne. Il ne voyait le temps passer tant il était passionné par son travail, et pour une fois, il se sépara de sa modestie habituelle et fut persuadé qu'il aurait un vingt, malgré le fait qu'il ne serait plus dans ce monde pour le vérifier. Il acheva son travail en peu de temps. Le professeur ramassa les copies et s'arrêta quelques secondes devant Lucien avant de ramasser sa feuille. Il avait l'air interloqué et Lucien comprit qu'il regardait ses cheveux. Il était parfaitement normal que ceux-ci attirent l'attention : il y avait une grosse mèche blanche au centre.

« J'ai toujours détesté les teintes de cheveux, dit-il en toute indiscrétion. »

Lucien le regarda fou de rage, se demandant s'il n'allait pas craquer et l'insulter. Puis, retrouvant son calme, il répondit :

- Ce n'est pas une teinte, c'est...

- Jeune homme, quel âge as-tu ?

- Dix-sept piges, mon vieux.

Lucien craquait. Il avait l'impression qu'il allait s'évanouir, peut-être même mourir d'une minute à l'autre. Il s'asphyxiait.

- Toi...

Lucien perdit connaissance.

La salle fut secouée et Marion accourut aux toilettes chercher de l'eau pendant que Martin, qui riait alors avec Angélique, appelait le SAMU en téléphonant sur un des téléphones fixes disposés dans les couloirs de l'établissement. Ceux-ci étaient bien entendu réservés aux professeurs. Marion lança de l'eau sur Lucien avec énergie. Il se réveilla. En sentant la fraîcheur du liquide, il se crut un instant au fond d'un océan et, lorsque les autres élèves posèrent leurs mains sur les siennes en essayant de le relever, il crut qu'un requin le dévorait.

- J'suis trop jeune pour crever, moi, murmura-t-il.

Tous se regardèrent une seconde, puis rabaissèrent leur attention sur Lucien.

- Qu'est-ce que tu racontes ? dit Marion.

En entendant sa voix, Lucien ouvrit les yeux. Elle lui souriait. De nouveau, il se crut dans un rêve.

- Tu es jolie, dit-il.

Marion parut gênée, malgré le fait qu'elle se doutait déjà des sentiments qu'éprouvait Lucien à son égard.

- Euh... Merci, dit-elle.

A ce moment, Martin se leva et glissa un regard discret vers Marion. Il se réjouit qu'elle était gênée et que son expression du visage ne soit pas affectueuse. Il se rassit. Depuis le coin de la salle, Angélique lui jeta un regard amoureux. Martin s'en aperçut et lui fit un clin d'œil, ce qui la fit rougir. Lucien s'était mit sur ses pieds.

« Veuillez m'excuser, Monsieur, dit-il. »

- J'accepte tes excuses, Lucien.

Et le cours reprit.

AmoureuxWhere stories live. Discover now