La Taverne

XI. Les Koikou-quoi ?

« Dans la taveeerne...au cœur de la forêêêt... »
    En cette fin de matinée, Rolland chantait en jouant hasardeusement de son luth, Illée cuisinait le riz, Lara aidait Solveig dans son service et Leïo esquissait le portrait de quelques clients. Une journée qui s'annonçait tout à fait banale, en somme. Sauf que nous étions dans La Taverne...
    Alors que tout un chacun vaquait à ses occupations, un fracas attira l'attention de tout le monde. Une bande de tout petits individus venait de passer la porte telle une tornade et se dirigeait à présent vers le bar en riant sournoisement.
- Oh non, pas les Koikou... geignit Lara en affichant une mine décontenancée.
- Les Koikou-quoi ? demandèrent simultanément ses collègues.
- Les Koikou, reprit l'aventurière, c'est un peuple infernal. J'ai eu le malheur de croiser leur route par le passé... Une fois qu'ils vous mettent le grappin dessus, il ne vous lâchent plus, c'est horrible. Je m'en suis traîné une dizaine pendant des kilomètres...
- Comment ça ? l'interrogea Solveig. Je n'ai jamais entendu parler d'eux.
- C'est parce qu'ils sont peu nombreux et qu'ils ne sont pas du coin. Ils viennent de la Koikou-baie. Leur force réside dans leur faculté à convertir les gens. Vous allez voir, ils ont une manière de parler pour le moins très...singulière, si je peux dire ça comme ça. Leur but est soit de vous rallier à eux, donc, soit de vous pousser à bout.
- Salut, tout le monde ! l'interrompit l'un des Koikou en prenant place au bar avec ses amis. On a koikousoif, servez-nous de l'eau de pourse ! Et puis on mangerait bien un petit koikoutruc aussi !
    La tribu partit dans un éclat de rire à la fois gras et aigu. Ils étaient huit et faisaient plus de bruit à eux seuls que l'auberge toute entière.
    Leïo haussa un sourcil avant de lancer un regard en biais à Lara.
- Je t'avais prévenue, ils sont infernaux, soupira cette dernière.
- S'ils font fuir les clients, je les mets dehors avec un bon coup de pied au cul !
- Ah ça, je te le conseille pas. Si tu as le malheur de t'opposer à eux, ils se mettent à hurler « KOIKOU-BAIE » de leur voix perçante jusqu'à ce que tu cèdes ! On va les laisser passer un bout de temps ici puis il s'en iront d'eux-mêmes, d'accord ?
    Leïo souffla un bon coup. Tant qu'ils ne créaient pas une polémique aussi grosse que les ragougnasses, cela lui était égal.
    Alors qu'Illée distribuait ses bols de riz à travers la salle, son regard s'attarda pour la première fois sur ces petites gens. Jusqu'à maintenant, elle avait entendu toute la discussion de ses amies mais n'avait pas eu l'occasion de voir à quoi ces êtres pouvaient ressembler, étant trop occupée à préparer son riz, cachée derrière le grand comptoir. Un large sourire habilla soudainement son visage.
- OH ! MAIS QUE VOUS ÊTES MIGNONS ! VOUS ÊTES ENCORE PLUS PETITS QUE MOI !
    Les Koikou échangèrent tous un regard circonspect.
- VENEZ, PETITS PETITS !
    La gobeline en attrapa un et le fit sauter en l'air comme un jouet, mais celui-ci n'apprécia pas du tout. Ni une ni deux, la petite créature ouvrit grand la bouche et mordit la main d'Illée de toutes ses forces.
- AH ! MAIS IL EST KOIKOUBÊTE OU QUOI, CELUI-LÀ ?
- Lâche-la tout de suite ! intervint Leïo. Non mais oh, tu touches pas à ma koikoucopine !
    L'elfe tira le petit Koikou par les pieds tandis qu'Illée agitait sa main pour s'en dépêtrer, le tout en beuglant sous le regard effaré des clients.
    Solveig assistait à la scène, le regard dans le vide.
    Ça ne s'arrêtera donc jamais ? pensa-t-elle avec dépit.
- Bon ! Ça suffit, maintenant ! s'interposa Lara. Vous dégagez d'ici tout de suite !
    L'aventurière sortit de derrière le comptoir et entreprit d'attraper les Koikou par poignées, bientôt aidée par Rolland.
- Wow, t'es capable de te lever pour autre chose que d'aller aux toilettes, toi ? lui lança-t-elle avec un sourire en coin.
- Eheh, à situation exceptionnelle, comportement exceptionnel ! sourit le vieux barde.
    Mais les Koikou n'entendaient pas se laisser faire. À l'unisson, tous crièrent « KOIKOU-BAIE » et leur sautèrent au visage, leur arrachant des cris de panique.
    Illée écarquilla les yeux et vit sa peau virer du vert au rouge. Comment osaient-ils s'en prendre à ses amis de la sorte ?
- AAAH ! LÂCHEZ-LES !
    La gobeline tira d'un coup sec son bras auquel le Koikou était accroché par la bouche, faisant lâcher prise à Leïo, avant de commencer à le frapper contre le bois du bar.
- ET TOI ! TU VAS LAISSER MA MAIN TRANQUILLE, OUI ?
    Le Koikou relâcha immédiatement son emprise et tomba raide, complètement sonné.
    Ayant enfin ses deux mains libres, Illée s'empara d'un bol de riz et jeta des grains par poignées sur la petite dizaine de créatures accrochées à Lara et Rolland.
- PARTEZ ! PARTEZ !
    Les Koikou se retournèrent tous vers la gobeline, les yeux grands ouverts.
- Du...du koikouriz ? SAUVE QUI PEUT ! cria l'un d'entre eux.
    Tous lâchèrent subitement leurs proies et s'enfuirent en courant, Illée à leurs trousses.
- AH, ALORS COMME ÇA VOUS CRAIGNEZ LE RIZ ?
    La petite gobeline leur courait après en leur lançant frénétiquement une quantité de riz assez impressionnante à la figure.
- IL EST BON, MON KOIKOURIZ ?