XII. Neos Chronos

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Neos Chronos : nom masculin et féminin. Fête traditionnelle marquant la fin de l'année. Elle se déroule durant la dernière semaine de l'année, le dernier jour étant le jour de célébration le plus important.

    « Dans la taveeerne...au dernier jour de l'annééééée... »
    À l'occasion de Neos Chronos, Rolland avait quelques peu changé les paroles de sa traditionnelle chanson.
    En effet, cette soirée était une soirée spéciale, car il s'agissait du tout dernier jour de l'année. Le jour où l'on se réunissait pour fêter l'entrée dans la nouvelle année avec ses proches, le jour où l'on s'offrait des cadeaux, le jour où l'on chantait, le jour où l'on dansait, le jour où l'on riait, le jour où l'on prenait de bonnes résolutions, le jour où l'on mangeait jusqu'à en être malade et le jour où l'on consommait de l'eau de pourse plus que de raison. Oui, le dernier jour de Neos Chronos était le plus beau jour de l'année. Enfin, sauf pour quelques personnes...
    Pour Solveig, Leïo, Lara et Illée, il s'agissait plus d'une compétition sportive qu'autre chose. Elles ne savaient plus où donner de la tête. Chaque année, le même manège recommençait : les clients affluaient par dizaines, jusqu'à se retrouver complètement entassés dans la petite auberge. Pour les filles, le but était alors d'arriver à satisfaire tout le monde tout en évitant les accidents du type « renverser de l'eau de pourse sur quelqu'un » ou « oublier le riz sur le feu ». Cependant, ce soir, le rythme était un peu plus doux qu'à l'habitude. Un panneau « COMPLET » avait été accroché sur la porte afin de limiter les nouvelles entrées ; car un deuxième évènement avait lieu...
    Le départ de Solveig.
- Alors, ça y est, tu pars vraiment ? demanda une nouvelle fois Leïo lors d'un petit moment de tranquillité.
- Oui, sourit la pirate. Toutes mes affaires son prêtes, je ne peux plus reculer. Je pars demain à la première heure, alors on profite un maximum, ce soir !
    Malgré son sourire, un voile de tristesse recouvrait son cœur. La mer était son élément naturel, et le nouveau bateau dont elle avait fait l'acquisition était pour elle une opportunité inespérée de reprendre la vie de pirate ; mais que La Taverne allait lui manquer. Ce soir, toutes les personnalités marquantes de l'année étaient présentes, et depuis l'arrière de son comptoir, tout ce petite bonheur lui apparaissait soudainement plus important que tout.
    Patalo et Picolo assis à une table, entrain de rire jusqu'à en perdre la voix.
    Alby et son « bras-jambe », dont Illée était follement amoureuse.
    Vomitus qui buvait de l'eau de pourse, de façon raisonnée, cette fois-ci.
    Mister Winner qui chambrait la gobeline sur la présence d'un escargot dans l'un de ses bols de riz.
    Monsieur Füss-Lynn qui charmait de jeunes demoiselles.
    Des clients qui évoquaient le malheureux incident des ragougnasses.
    Et d'autres encore qui jouaient au Chocolate Pong.
    Rolland qui grattait les cordes de son luth et qui laissait parfois échapper le nom de Perdita dans ses chansons.
    Sam qui se faufilait entre les jambes de tout le monde et qui s'amusait avec le loquet de la porte des toilettes.
    Yolande qui racontait des histoires rocambolesques à base de pourses et d'aileron de requin à qui voulait l'entendre.
    Puis quelques Koikou, qui ricanaient dans un coin et criaient « KOIKOU-BAIE » quand une personne passait à côté d'eux.
- C'était beau tout ça, hein ? lâcha soudain la rouquine dans un petit rire pour masquer ses larmes.
- Ah, ça oui... soupira Leïo. Tu vas me manquer, Solveig.
- À moi aussi, tu vas me manquer. Beaucoup, même, souffla Lara, qui demeurait d'habitude plutôt discrète concernant ses émotions.
- JE VEUX PAS QUE TU PAAARTES ! éclata Illée en sanglots.
- Oh non, c'est trop triste, les copains ! renifla Rolland.
    Le vieux barde se leva de son tabouret et ouvrit grand les bras, signifiant « câlin général ».
    Tous les cinq se regroupèrent et se serrèrent fort dans leurs bras, Illée se retrouvant complètement écrasée entre les jambes de ses amis.
    - Au revoir, toi, sourit Solveig à l'intention de Sam qui la regardait avec incompréhension.

    Le lendemain matin, à l'aube, Leïo remettait quelques tables en place pour dégager le passage. La veille, les clients avaient laissé l'auberge dans un état catastrophique – comme chaque année – et les filles n'avaient pas effectué leur habituel ménage de fin de soirée ; tout simplement car il n'y avait pas eu de fin de soirée. Solveig s'apprêtant à quitter La Taverne, Leïo, Illée, Lara et Rolland avaient décidé de passer leurs dernières heures à rire et s'amuser, ne se préoccupant plus de rien d'autre.
    Toute la nuit, les quatre collègues avaient dansé et chanté sous les mélodies désaccordées de leur ami. Illée leur avait fait découvrir la chanson du riz et Solveig des chants traditionnels marins. Rolland avait pour la première fois de sa vie prêté son luth à Lara, preuve de la grande amitié qu'il lui portait ; puis Solveig l'avait pris par les mains et l'avait fait danser, profitant qu'il lâche pour une fois son instrument.
    Jamais les enfants de La Taverne n'avaient partagé un moment comme celui-ci. Le goût des adieux rapprochait, semblait-il.

    Après avoir aidé son amie à faire un brin de ménage, Solveig était partie les bras chargés de riz, tant cuit que cru. Illée avait insisté pour lui donner « de quoi bien manger pendant une semaine », même si la quantité offerte était en réalité en mesure de nourrir un équipage tout entier pour un bon mois.
    Les filles et Rolland avaient alors dit au revoir à cette nouvelle pirate, puis avaient repris leur train de vie habituel...avant de voir Lara partir à son tour.
    « AH NON, PAS TOI AUSSI ! » s'était énervée la petite gobeline.
    Mais Lara était tout aussi résolue que Solveig. Oui, La Taverne lui manquerait terriblement, mais l'appel de l'aventure se faisait bien trop entendre pour rester sourde à ses appels. « Je reviendrai, et je vous donnerai des nouvelles » leur avait-elle promis.
    Et elle s'en était allée, laissant alors un grand vide à ses trois camarades restants.
    Suite à ces deux départs, Illée ne criait plus, pas plus qu'elle ne prenait la peine de demander aux clients s'il était bon, son riz.
    « Je dois partir », avait-elle confié un soir à Leïo. « J'ai perdu tous mes repères, je ne trouve plus ma place. J'ai le sentiment que La Taverne n'est plus ma maison... Plus rien n'est pareil. Je me dis que c'est peut-être l'occasion de poursuivre mon rêve : partir à la recherche d'Alby. »
    Même si elle avait compris, Leïo avait versé une larme. Solveig, Lara, et maintenant Illée ; elle non plus ne se sentait plus chez elle, sans ses amies. Heureusement, Rolland serait toujours là pour lui rappeler les plus belles années de sa vie.
    ...ou peut-être pas. Son vieil ami aussi, avait décidé de déserter. Cet enchaînement de départs lui avait laissé un vide, comme à tout le monde dans La Taverne ; et partir sur les routes comme dans sa jeunesse était devenu pour lui le seul horizon du bonheur.
    « Au revoir, Leïo. Je ne vous remercierais jamais assez pour tout ce que vous m'avez offert, toi et les filles. Vous avez tiré un vieillard du fond du gouffre, et ça, ça vaut tout l'or du monde. Merci. » lui avait-il soufflé à l'oreille en souriant avant de se retourner pour toujours.
    Seule Leïo resta dans sa belle auberge, accompagnée de Sam. Tout était différent, désormais, mais pour rien au monde elle n'aurait abandonné sa maison. Sa tendre maison.
    Rien n'avait disparu, bien au contraire : tout demeurerait toujours intact dans son cœur. Il était là, le véritable bonheur ; ils étaient là, ses plus beaux souvenirs. À tout jamais.
    Et cela était doux.

Ah, oui... qu'il fut bon, de connaître La Taverne.

 qu'il fut bon, de connaître La Taverne

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FIN.

ou presque...

La TaverneTahanan ng mga kuwento. Tumuklas ngayon