Les Royaumes De Feu - Bienvenue À Pyrrhia

Chapitre 16

Argil était en train de cuisiner pour sa famille quand il reçut le message, il ne le remarqua donc pas. La petite notification chantante de son téléphone se perdait dans les bruits de cuisson, de musique dansante et du brouhaha de discussion ambiant. Une petite note fragile à peu de chance de gagner face à la mélodie de vie qui s'échappait du salon exigu de leur foyer.

Roseau et Ocre, dont les voix chantaient les paroles de la chanson "I Will Survive", étaient en train de mettre le couvert sur la table basse et sur le canapé. Glaise posa la sienne sur ses genoux et repris la lecture de son livre. Grès et Jonc, eux étaient pris dans une joute verbale passionnante, sur un personnage d'anime ou un scientifique renommé, Argil n'avait pas très bien suivi la discussion. En des jours comme ça on oubliait tout, l'extérieur, les problèmes, les parents absents, la maladie ou la mort d'un proche. Il s'estimait particulièrement chanceux d'être capable de profiter encore de l'instant présent.

Le jeune homme laissât les pommes de terre dorer sur la poêle et se dirigea vers le meuble de la télé. Il tira vers lui les 3 tiroirs en vieux bois pour révéler des rangées de DVD. Des films comme : Chérie j’ai rétréci les gosses, Encanto, Les Croods, Les Indestructibles, Rebelle, Retour vers le futur... ou des séries de leur enfances, qu'ils regardent par plaisir coupable ou non, comme Famille Pirate, Le Dino Train, Le Ranch, Les Moomins, Mandarine and Cow...

Mais, comme tout bon collectionneur le sais, plus on a de choix plus c'est difficile de choisir, surtout quand il faut mettre tout le monde d'accord. En vérité, cela a été plus facile que prévu. Noël approchait, le petit groupe c'est donc tourné, d'un plus ou moins même accord vers "Santa et Cie" pour passer un bon moment. Glaise aurait préféré quelque chose d'un peu plus instructif, comme "Croc-Blanc" ou "L’Appel de la Forêt", même elle ne pouvait pas ignorer qu'elle avait envie de rire pour une fois.

Argil plaça le disque dans le lecteur et repartit remuer ses patates. Il éteint le feu sous le bœuf et appela à table. Un par un, tandis que le film ce lançait, Roseau, Ocre, Glaise, Grès et Jonc se levèrent avec leur assiette et s'avancèrent en file indienne vers le cuistot. Le jeune homme disposa dans chaque assiette un morceau de bœuf et une dizaine de pomme de terre sautées. Il rajouta encore trois assiettes qu'il remplit avec le reste : une pour lui, une pour leur mère et une pour Grue.

Ils espéraient que ce soir leur mère reviendrait manger avec eux, passer du temps avec eux, mais elle les évitait constamment. L'assiette de grue, elle, était symbolique, c'était comme si elle mangeait encore avec eux depuis l'au-delà. Mais ce soir était le dernier repas qu'il leur préparerait une assiette, la famille commençait à manquer d'argent et ce genre de petite d'attention était devenue impossible. Il réfléchi un instant.

"Il me faudrait trouver un travail. Quelque chose à côté du lycée. Mais qui voudrait embaucher un nigaud comme moi ? Attends. Et déménageur alors ? Nan, je suis trop jeune, il ne m'embaucherons jamais. Sinon je peux rejoindre la ferme familiale. Mais ils ne me pairont pas. Et puis si je ne passe pas tout mon temps à réviser, je n'ai même pas la moyenne. Mais qu'est-ce que je vais faire ?!"

Il releva la tête pour observer sa famille, les êtres qu'il avait juré de protéger.

"Je ne peux quand même pas les laisser travailler à ma place ? Ils ont un si bel avenir, non ils ne doivent pas gâcher leur adolescence et leurs études parce que leur grand frère est incapable de leur fournir de la nourriture dans leur assiette."

Argil chassa la tristesse de son esprit en posant une autre assiette par-dessus celle de sa mère, pour qu'elle reste au chaud quand celle-ci viendra pendant la nuit ; puis il se saisit de celle de Grue et la posa sur un tabouret à côté du canapé. En s'asseyant sur l'accoudoir, il posa sur ses genou son diner et remarqua que Roseau et Glaise l'observaient faire du coin de l'œil. Il eut un pincement au cœur. Il savait que le reste de la fratrie appréciait ce genre d'attention pour leur défunte sœur et donc qu'ils préféraient s'en charger. Argil, savait et ressentait ce que Roseau et Glaise pensaient. Leur tristesse, leur culpabilité, leur deuil, ils en avaient parler mainte et mainte fois.