Héritage du passé

Toutes blessent, la dernière tue - 6 août

Notre mère avait déjà quitté le domicile à notre réveil et elle m'avait prévenue de partir de bonne heure pour accompagner Yuu à l'école.

Nous partîmes donc tôt ce matin-là. Nous devions marcher une trentaine de minutes sur un chemin autour duquel il y avait des maisons démolies. J'avais appris la veille que plusieurs élèves avaient été mobilisés pour démolir des bâtiments. Il fallait créer un coupe-feu pour empêcher les incendies de se propager. Incendies provoqués par les raids aériens. Je n'avais pas été mobilisée pour cette tâche, mais je savais que c'était un travail difficile. Armés de cordes, les travailleurs mobilisés mettaient les bâtiments à terre.

Moins de dix minutes après notre départ de la maison, nous entendîmes l'alerte. Il était 7 h 45. Cette alarme signifiait qu'un avion américain avait été aperçu près de l'île.

« Yukari ! » hurla-t-il.

Tout se passa très vite. Je vis des jeunes se bousculaient et se dirigeaient vers un bâtiment. Je pris mon frère dans mes bras frêles pour être plus rapide. Je courais essayant de trouver un abri anti-aérien. Nous étions dans le centre-ville, il serait donc plus facile de nous abriter. Il fallait nous mettre en sécurité. Mon frère s'agrippa de toutes ses forces à moi. Finalement, je pris la décision de me diriger vers le même bâtiment que le groupe d'étudiants. Je descendis au sous-sol. Il n'y avait aucun son. Arrivés en bas de l'étage, je trouvai deux portes fermées. J'ouvris celle d'en face, et à la lueur de l'éclairage de la pièce, j'aperçus une quinzaine de jeunes épeurés. Ils étaient accroupis au fond de la pièce. Je m'assurai de refermer la porte en attendant que la fin de l'alerte soit levée. Je reposai mon frère sur le sol et m'assis sur le sol avec lui. J'étais adossée contre le mur et Yuu s'était mis entre mes jambes. Je l'entourai de mes bras pour l'apaiser. Je voulais le consoler, mais à l'heure actuelle, j'étais terrifiée. Lors des alertes précédentes, ma mère était présente. Aujourd'hui, mon frère était sous ma responsabilité.

« Ne pleure pas, tout ira bien. »

8 h 05

Nous attendîmes une bonne vingtaine de minutes, malgré que je n'avais aucune notion du temps. Cette deuxième alarme nous avertissait qu'il n'y avait plus de danger au-dessus de la ville et que nous pouvions sortir des abris. Un jeune se précipita pour ouvrir la porte.

« Attends un peu ! Ce n'est pas prudent de sortir tout de suite. » ordonnai-je en l'arrêtant avec mon bras avant qu'il ne sorte du sous-sol.

Les étudiants regardèrent dans ma direction interrogativement. Je soupirai.

« Attendons cinq minutes de plus avant de sortir. Rappelez-vous de ce qu'on vous a enseigné. Au moindre bombardement, abritez-vous le plus vite possible, et, n'oubliez pas de couvrir vos yeux et vos oreilles. »

Ils hochèrent tous de la tête. Je voyais qu'ils avaient peur, mais les alertes étaient devenues une chose habituelle. Avaient-ils été instruits sur la façon de se protéger ? Ils n'avaient peut-être pas reçu tous cette formation, en théorie obligatoire depuis que la ville était régulièrement bombardée. Peu après, nous sortîmes de l'abri et avant de nous séparer, je leur adressai un dernier mot.

« N'oubliez pas ce que je vous ai dit. »

Ils me regardèrent confiants et partirent dans le sens contraire au nôtre. Nous nous dirigeâmes vers l'école, Yuu à la traîne derrière moi. Je me retournai vers lui pour m'assurer qu'il me suivait, mais il s'arrêta tout à coup. Je vis qui l'observait le ciel. Je levai ma tête et tandis que mes pensées ne firent qu'un tour dans mon esprit, je lui criai de toutes mes forces.

« Cours te réfugier, Yuu ! Tes oreilles ! Tes yeux ! Vite ! Cours ! »

Dès qu'il vit mon regard inquiet, il s'empressa de faire exactement ce que je lui avais dit. J'entendis un bruit sourd et tournai ma tête en direction du bruit. Je plissai les yeux et posai une dernière fois mon regard sur mon frère. Il était à l'abri. Je lui avais promis que tout se passerait bien.

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Le 6 août 1945, à 8 h 15, 70 000 personnes sont mortes instantanément à Hiroshima et autant sont mortes à cause des radiations.