Le sort en est jeté - J-5

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Le matin arrivait à sa fin et je m'habillai d'un pantalon et d'une chemise blanche. Ces vêtements, les femmes ne pouvaient pas les porter, mais je ne portais pas attention à ceux qui le disaient. Mes parents n'avaient jamais vu d'inconvénients tant que je restais à la maison et qu'il n'y avait pas d'invités. Je descendis les marches, me dirigeai vers la cuisine et pris une pomme. Tandis que j'allai dehors, ma mère m'arrêta.

« Bonjour mère, comment allez-vous ? »

Elle m'observa de haut en bas.

« J'espère que tu ne comptais pas sortir ! »

Je lui répondis par la négative.

« James est ici, il t'attend dans l'entrée.

– Pourquoi est-il là ?

– Demande-lui. Je ne suis pas aussi bien informée. »

Je ris et retrouvai mon meilleur ami dans l'entrée. Il était vêtu d'un costume gris foncé et d'une chemise blanche nouée au col par un ruban noir. Je pris son poignet et l'entrainai à l'intérieur du salon.

« Bonjour, très chère. » me dit-il sarcastiquement.

– Je ne savais pas que tu étais censé venir. Étant donné ta visite impromptue, tu vas m'aider. »

Il soupira, enleva sa veste et la déposa sur le bras du fauteuil.

« T'aider ? Pourquoi ?

– Parce que... je suis ta meilleure amie. »

Il revint près de moi et j'en profitai pour lui montrer l'article qui expliquait que le remplacement était autorisé pour un conscrit désigné en échange d'un montant de 300 $.

« Comment faire pour trouver de l'argent ?

– Je te l'ai dit lorsque nous nous sommes vus hier... Tu peux certainement trouver des objets à vendre. »

Je ne possédai rien d'une telle valeur même si j'étais née dans une famille aisée. Nous continuâmes à discuter sur la façon de sauver mon frère. Peu de temps après, j'entendis un craquement dans les escaliers et tournai la tête. William s'avança vers nous vacillant. Son état se dégradait, il devenait squelettique et pâle. Je me levai pour l'aider à s'asseoir dans le fauteuil. Il avait une couverture sur les épaules et était encore en pyjama. J'allai lui chercher une tasse et lui servis un thé. Je m'assis en face à lui, alors que James se leva et se dirigea vers le piano. Il joua une partition qui me plongea dans le passé.

Le jour où William a appris qu'il était incurable, il était resté fort alors que la journée où j'ai réalisé que je perdrais mon frère, je me suis effondrée. Ce soir-là, il était venu me voir.

« Emily, il faut que tu sois forte, pour moi, pour maman. Quand je ne serais plus là, il faudra que tu continues d'avancer. Sans jamais te retourner. »

C'était lui qui allait mourir, et c'est lui qui me rassurait. Il était le plus courageux de la famille. Je ne le laisserais pas tomber.

« Pourquoi joues-tu du piano, James ? »

La voix rauque de mon frère me sortit de mes souvenirs. La mélodie était belle. Le seul domaine où mon meilleur ami me battait à plate couture, c'était la musique. En tant qu'autodidacte, James jouait du piano à la perfection. Il pratiquait souvent et encore plus lorsqu'il était nerveux. Partir à la guerre l'angoissait.

« Es-tu anxieux ? » reprit mon frère.

La mélodie ne s'arrêta pas.

« Pensif, plutôt. »

Les sons résonnèrent dans la pièce formant une mélodie plus que magnifique.

Héritage du passéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant