Cette histoire est la nôtre - 3

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Un doux après-midi de novembre, alors que je tricotai des mitaines pour contrer le froid qui arrivait, j'entendis toquer à la porte. Je savais que cela ne pouvait point être Nicolas puisqu'il était parti en ville jusqu'au soir. J'ouvris et trouvai Monsieur le curé devant moi.

« Bien le bonjour Madame ! »

Je me demandai ce qu'il pouvait bien faire devant ma porte, à cette heure-là. La route vers l'Église n'était pas longue puisqu'elle était située dans le village mais c'était la première fois que Monsieur le curé venait ici, en pleine forêt. Ce n'était certainement pas une erreur puisque nous n'avions pas de voisins.

« Bonjour Monsieur le curé ! Comment allez-vous ? Je vous en prie, entrez donc. »

Le curé rentra dans la maisonnette. Il s'assit lourdement sur une chaise et patienta. J'attendais qu'il parle mais le silence malaisant perdura. Il devait probablement chercher ses mots donc c'est moi qui commençais la conversation.

« Puis-je vous servir à boire ?

– Non, ne vous inquiétez pas, je ne resterai pas longtemps. »

Il leva la tête vers moi. Je pris place sur le banc de bois et le questionnai du regard.

« Nicolas est parti dans la ville voisine, il ne reviendra pas avant ce soir Monsieur le curé.

– Je voulais vous voir tous les deux mais puisqu'il n'est pas là, je m'adresse à vous.

– Alors dites ce qui vous tracasse.

– Madame, cela fait quatre mois que vous êtes en Nouvelle-France et nous sommes en hiver.

– Oui... »

En réalité, même si j'avais un air interrogateur, j'avais compris pourquoi il était là. Nous, les filles du Roy, étions venues pour réaliser la volonté de notre roi qui était de coloniser le pays. Plus précisément, avoir des enfants pour le peupler. Je ne voulais juste pas qu'il pose des mots sur le fait que je n'étais toujours pas enceinte. Avoir des enfants, je l'ai toujours voulu, vivre avec un mari que j'aime et que je chéris, j'y ai rêvé des centaines de fois. Venir en Nouvelle-France, je le redoutais, j'avais peur mais j'étais sûre que cette vie serait meilleure pour moi. Et à 17 ans, je me sentais chanceuse de vivre avec un mari respectueux. Je voyais dans le regard de Nicolas qu'il attendait que je fasse un signe. C'étaient des qualités que j'admirai chez Nicolas, son respect et sa douceur. Mon devoir était de faire des enfants, en tant que femme, en tant qu'épouse et en tant que fille du Roy.

« D'après certaines personnes, j'ai cru comprendre que vous n'êtes toujours pas enceinte et votre rôle est de peupler la colonie, d'enfanter, vous devriez déjà – »

Le curé continua de me faire la morale pendant de longues minutes sur le devoir d'une femme.

« Ne vous inquiétez pas Monsieur le curé. Je ferais honneur à la confiance que le roi m'a accordée. »

Nicolas rentra et après le souper, lorsqu'il se dirigea vers la chambre, je l'arrêtai.

« Nicolas ?

– Oui ? dit-il en se tournant. »

Je m'approchai de lui et décidai de ne pas y aller par quatre chemins.

« J'ai eu la surprise d'avoir la visite de Monsieur le curé. »

Il me regarda d'un air interrogatif. Pourquoi me complique-t-il la tâche ?

« Il m'a demandé pourquoi je n'étais toujours pas enceinte. »

Nicolas baissa la tête et alla dans la chambre. Je le suivis et ferma la porte derrière moi.

« Nous n'avons plus le choix Nicolas.

– Le voulez-vous ?

– Nous le devons. »

Héritage du passéWhere stories live. Discover now