Dimanche 31 juillet 2022

65 9 23
                                    

C'est assez étrange de devoir déballer sa vie à une personne qu'on ne connaît pas. Le docteur Brown est bien sympathique mais parfois j'ai vraiment du mal à savoir quoi lui raconter. Un peu comme écrire ici. J'essaye pourtant. J'ouvre ce cahier et j'essaye de trouver quoi raconter mais je me dis que rien n'est assez intéressant. C'est pas comme si ma tête et mon cœur n'étaient pas remplis d'amertume.

Elle me demande d'exprimer mes sentiments. C'est compliqué. Qu'est ce que je ressens ?

Au début, ce fut une sacrée surprise. Je n'ai vu aucun signe avant coureur. Je pensais vraiment qu'on était heureux. On se disputait de temps en temps, comme tous les couples. Mais c'était toujours futile, pas sur des sujets sérieux. Ça ne durait pas dans le temps. Vraiment, ce n'était pas de grosses crises. Et je ne dis pas ça pour me rassurer. Je pense honnêtement qu'on était heureux. C'est ça qui a fait que je n'ai pas compris sur le moment. Je crois que j'ai vécu son annonce comme si j'étais sous anesthésie. En dehors de mon propre corps. Je ne me souviens pas ce que je lui ai répondu précisément. Je crois que je l'ai supplié de rester quand il a pris ses affaires et qu'il est parti. J'ai vraiment cru que c'était un cauchemar. Et que j'allais me réveiller. Mais l'appartement est resté vide, silencieux. Fatalement abandonné.

De la tristesse ? Ça c'est certain. Triste d'avoir perdu la personne à qui je tenais le plus. Qui me rendait si heureuse. Avec qui je me sentais si bien. LUI. Il avait le don, par sa seule présence, d'égayer chaque instant de ma vie. De me donner envie de faire des projets. De me croire plus forte que tous les obstacles que je pouvais rencontrer.

Lorsque l'on s'est rencontré, il y avait comme une évidence. On s'est trouvé et reconnu au milieu d'une foule. Ce qui était même étonnant, c'est qu'on ne s'était jamais vu avant. Pourtant, nous avions fréquenté les mêmes endroits, les mêmes personnes. Mais nous avons mis tant de temps à nous croiser réellement. En un clin d'œil, nos cœurs s'étaient mis en connexion. Nos esprits s'étaient mêlés à l'unisson. Tout ce qui nous entourait avait disparu pour ne laisser que nos regards se croiser. On était assis chacun à un bout d'une grande table, entourés de nos amis communs. Je suis très loquace d'habitude et là, je me retrouvais muette comme une carpe à l'observer. Puis nous nous sommes souris. Un vrai sourire de timidité comme si nous avions déjà compris ce qu'il se passait.

Je me souviens qu'à l'époque, je « fréquentais » un homme. Une histoire sans conséquences. La définition même du plan cul. Ce qui me convenait très bien. Le genre d'ami que l'on retrouve tard le soir pour assouvir quelques désirs primaires. Il était d'ailleurs à la même table que nous ce soir-là. Ça nous arrivait souvent de participer aux mêmes soirées et de nous retrouver après celles-ci. Une totale insouciance.

On nous a présenté dans la soirée, LUI et moi. Et le courant est tout de suite passé. Je me suis noyée dans ses yeux bleus au fil de nos discussions. Sans rien nous promettre, il m'a tout de même mis en confiance et j'ai voulu me donner toutes les chances. Je voyais bien qu'il n'osait pas se comporter librement. Il savait, pour son ami et moi. Il respectait sans doute cela, même s'il n'y avait aucune réelle attache entre mon plan cul et moi. Comme si j'étais chasse gardée.

Alors j'ai brisé ce lien. J'ai dit à mon ami qu'il n'y aurait plus rien entre nous. Je ne me souviens pas de mon discours, aidée sans doute par un mélange d'adrénaline et d'alcool. Mais je me souviens très bien d'avoir glissé au fil de la conservation avec LUI, que je m'étais libéré de cette entente cordiale. Il avait souri. Et ses yeux avaient pétillés avant de me caresser tendrement la joue. La barrière était brisée. Il se donnait le droit de me charmer. Son premier geste de respect envers moi et son ami.

On n'a jamais reparlé de cette situation, mais le fait que nous ayons construit par la suite une belle relation de plusieurs années était pour moi la preuve que mon comportement assez libre ne le dérangeait pas. Après tout, du moment que deux personnes sont consentantes, je ne vois pas où est le mal. Et chacun fait bien ce qu'il veut. Au moment où j'avais commencé à « fréquenter » mon ami, je n'avais pas vraiment d'objectif de couple. Trop échaudée de mettre fait larguer devant l'autel par mon ex. Mais LUI, il m'a donné envie de croire une nouvelle fois en l'amour.

Lui ?Where stories live. Discover now