Lui ?

Le retour du vieil ami

« Sebastian ? »

Emma s'entend prononcer le prénom de l'homme qui se tient devant elle. Un frisson lui parcourt alors le corps, comme si elle venait de se dire quelque chose de totalement interdit. Elle a du mal à réaliser ce qu'il est en train de se dérouler. Elle se demande si c'est un rêve. Est-ce bien Lui ? Le fameux « Lui » ? Celui dont parle ses chansons ? Celui qui l'a abandonné il y a 4 ans ? Le père de sa fille ?

C'est inimaginable qu'il soit là, devant elle. Au début, quand elle était arrivée dans le Minnesota, elle avait bien rêvé qu'il débarque un jour, inopinément, pour s'excuser. Lui avouer qu'il l'aimait toujours. Mais depuis, elle était passée au-dessus de ça, avait complètement relevé cette idée au fond de sa tête. Alors le voir, aujourd'hui, par ce froid hivernal, posté devant sa porte, c'est une incroyable surprise.

Emma ne peut s'empêcher de le fixer. Ses yeux l'attirent immédiatement, retrouvant, dans le moins détail, ceux de sa fille. La forme, la couleur. Ils sont identiques. La seule différence, c'est le mélange de joie et de tristesse qui se mêlent dans celui de l'homme. Le bonheur de la retrouver et l'envie de la prendre dans ses bras, à la limite de pleurer. Il ne sait pas trop quoi penser. Avec l'émotion, il a oublié ce qu'il voulait lui dire. De toute façon, il n'a pas spécialement envie de parler pour le moment. Il l'admire. Silencieux. Comme Emma. Bloquée par la situation. Ne sachant pas non plus si elle doit le chasser violemment, l'insulter ou lui tomber dans les bras. C'est sa fille qui la sort de sa torpeur.

« C'est qui maman ?
— Euhmm... bégaye Emma en reprenant ses esprits. C'est euh... »

Elle ne sait pas quoi répondre non plus. Le dénigrer en expliquant que c'est un connard ? Ne lui donner aucun crédit en disant qu'il n'est personne ? Lui attribuer son statut de père sans la moindre préparation adéquate ni auprès d'Enide, ni auprès de Sebastian ? Aucune de ses solutions ne lui convient. Emma n'est pas comme ça. Comme dans ses chansons. Si elle parle de lui, elle ne l'accable pas et ne le méprise pas. Elle dépose sa fille au sol et s'agenouille à sa hauteur.

« C'est un vieil ami de maman, ma puce. Tu n'as pas à t'inquiéter. J'ai une idée. Et si tu allais regarder un peu la télé pendant que je discute avec cet ami, mon cœur ? Je te promets qu'après on se fera des Ponnukokurs (Fines crêpes islandaises généralement servies roulées avec une bonne quantité de sucre ou soigneusement pliées avec de la confiture et de la crème fouettée.) Tu es d'accord ?
— D'accord.
— Merci mon cœur. »

Elle l'embrasse et ma petite fille s'échappe très rapidement derrière la porte d'entrée. Emma la regarde faire puis reporte son attention sur Sebastian. Il a l'air frigorifié. Il faut dire qu'exceptionnellement l'état vit un hiver très froid, où la température peut descendre au-delà des -15 degrés une fois la nuit tombée. Il est évident qu'une personne qui n'a pas l'habitude de cette météo n'est pas suffisamment équipé. Emma se demande si elle doit le laisser entrer, au moins pour qu'il puisse se réchauffer. Elle hésite car d'un autre côté, elle craint le motif de sa venue. Après tout ce temps. Qu'est-ce qui pourrait le faire revenir ? Un contentieux ? Leur ancien appartement ? Des affaires qu'il avait laissé à l'appartement et qu'il s'est enfin décidé à récupérer ? Son retour à la vie publique ? Et maintenant qu'il a vu Enide, est-ce qu'il va faire le lien ? Autant de questions qui se bousculent dans la tête de la jeune femme et l'empêchent de prendre une décision. D'un autre côté, le fait qu'il soit là est enfin un moyen de le confronter et d'avoir des réponses aux nombreuses questions qu'elle s'était posées lors de son départ. Sebastian recroqueville ses mains l'une sur l'autre pour se réchauffer et renifle bruyamment. Emma n'est pas un monstre, elle n'a aucune raison de le laisser mourir de froid. D'ailleurs, à cause des bourrasques de vent, la neige commence à entrer dans la maison. Dépitée, elle se décale légèrement pour l'inviter à entrer.