Chapitre 2

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- Tu es en retard, me sermonne-t-il en levant un sourcil lorsqu'il se détache de moi.

Je laisse retomber mes bras le long de mon corps et hausse simplement les épaules. Je n'ai absolument aucune excuse ni explication à lui fournir.

- Tout s'est bien passé ? me demande-t-il en plongeant ses yeux bruns dans les miens.

Mon père est tout ce qu'il y a de plus différent de moi. Ses cheveux sont noirs quand les miens sont roux, ses yeux sont chocolat alors que les miens sont noisette, son nez est crochu quand le mien est droit. Mais il ne cesse de me dire que j'ai tout pris de ma mère. Ce que je ne peux même pas le voir par moi-même, puisqu'il n'y a aucune photo d'elle ici.

- Comme d'habitude. Ils ont fait résistance, mais nous n'avons pas eu beaucoup de mal à la percer. Ils ne nous poseront plus de problèmes. Nous comptons quatre morts, ennoncais-je, cinq morts, me repris-je en me souvenant de celui que j'ai moi-même abattu. Les coffres sont toujours dans le bateau et tes hommes rentrés chez eux.

- Excellent, comme toujours. Ne perdons pas plus de temps, ajoute-t-il il en posant sa main dans mon dos pour m'inviter à le suivre.

Je frissonne de dégoût quand l'un des invités me pose la main aux fesses. Un coup d'œil me suffit à comprendre qu'il est totalement éméché, et la seule chose qui me retient de la lui casser, c'est la femme qui s'approche de nous en souriant. Je plaque un sourire aussi faux que le sien sur mon visage et je retiens une grimace lorsqu'elle me fait une accolade qui se veut chaleureuse. Tout chez elle est calculé, le ton de sa voix, ses sourires, ses gestes, ses paroles, elle ne laisse rien au hasard et ne rêve que d'une chose, avoir ce que ma mère, sa sœur, avait : l'amour de mon père, et son pouvoir.

- Comment vas-tu ma petite ? Tu as mauvaise mine, commente-t-elle en fixant mon visage de ses yeux globuleux. Est-ce des cernes que je vois là ? Et bon dieu, ton pantalon est taché ! s'exclame-t-elle, faisant tourner plusieurs visages dans notre direction.

- Vous n'auriez pas pris quelques rides ici, dis-je en approchant mon visage du sien pour bien fixer le coin de ses yeux.

Avec le temps, j'ai appris à ne plus tenter de la comprendre, et surtout comment dévier les attaques qu'elle me lance. Il me suffit simplement de lui renvoyer en appuyant bien sur le temps qui use ses charmes. Elle déteste qu'on lui rappelle les ravages qu'il fait, qu'elle n'est pas immunisée contre lui. Comme prévu, son sourire s'efface lentement et elle se montre sous son vrai jour, les yeux glacials qui, s'ils en avaient le pouvoir m'auraient déjà éliminée.

- Bien, je vois que les retrouvailles sont bien chaleureuses ici. Vous m'en voyez navré d'avoir à les écourter, mais maintenant que ma très chère fille est là, nous pouvons passer au repas, annonce mon père en contournant ma tante pour rejoindre la grande table. Il me tire une chaise, celle à sa droite, et la repousse vers l'avant quand je m'installe. Puis toujours debout, sa voix se fait entendre par-dessus le brouhaha ambiant, suffisant à le faire taire. J'observe autour de moi les pirates prendre place derrière leur chaise, silencieux et à l'écoute de ce que va dire leur capitaine. Sa posture, son aura, son charisme, absolument tout chez mon père intime à la soumission. Il a le pouvoir, il le sait, ils le savent tous. Et c'est exactement de ça que je rêve, c'est à ça que j'aspire, régner.

Lorsqu'il écarte ses bras devant lui, le message passe sans qu'il n'ai besoin d'ouvrir la bouche, et tous s'assoient. Je les regarde faire, j'ai sûrement l'air condescendante dans ma manière de les fixer, mais je m'abreuve de cette sensation de supériorité. Et quand mon père commence à parler, je jurerais pouvoir entendre une mouche voler. Tout mon corps se rigidifi, attendant avec impatience le moment où je serais au centre de l'attention, où enfin ils me regarderont tous de la même façon qu'ils regardent mon père, où je n'aurais plus besoin de me cacher.

Rose des MersOù les histoires vivent. Découvrez maintenant