Sincère, Vol.1

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Des tours et des tours à en perdre le chemin et la raison. Tout est bétonné et ce des infrastructures aux relations que l'on entretient entre nous. Et pourtant, par le parcours que j'ai et continue d'avoir, je ne peux dire que j'ai atterri dans un mauvais endroit ; dans le mauvais endroit.


La cité Goelands. Une vraie cité. Je sais pas combien d'habitants vivent ici tant que le nombre est variable en fonction de comment et de quand je croise les humains. Bah ouais, quand j'suis en gov', en général je vois pas trop de nouvelles têtes, les visages me semblent familiers.

Quand j'suis sur le deux-roues, deux trois nouvelles têtes me paraissent étrangères. Des yiencli ou juste des gens dont j'ai pris l'habitude de ne pas calculer ? Je sais pas en fait, mais ça m'intrigue. A pieds, je vois de tous par contre. Des petits, des grands, des daronnes, des anciens, des frères mus'... Bref, de tout.

Mon père me dit que je suis trop analytique. Que c'est une qualité mais que quand je suis chargé, l'idéal est de ne pas trop accorder d'importance à « qui est qui » au risque de devenir paro et d'me faire stépi par la flicaille. Il a pas tord mais bon, chacun sa manière de faire et de voir les choses non ?

Mon père est arrivé à Goé' il y a bientôt 11 ans de cela. Il a vu l'éffondrement, la construction, la destruction et les allers et lieux de cet environnement particulier. Pas plus particulier que le bled d'après ce que me dit le daron.

– Tous des faibles, ils ne connaissent pas la vraie vie. Ba yébi té ezelaka ndege nini ko tuta mutu*.

Le bled c'est la loi de la jungle, le jeu des extrêmes qui continue encore d'être d'actualité. Des ultra riches qui bouffent pour 100 et des pauvres qui tuent pour pas 1. Mon père est venu avec cette mentalité. Celle des mauvais par défaut. Des tueurs par défaut. Des daleux par défaut, des ambitieux par dépit.

Cadet d'une fratrie dont l'un de ses frères est mort pour une histoire de vol et l'autre emprisonné dans l'arrière du pays pour des faits assez floues, il a été éduqué uniquement par ma grand-mère qui, faute de moyens, n'a eu la possibilité de bien les encadrer. Mon grand-père n'a jamais été présent. Ils n'ont pas grandi avec et l'ont toujours considéré comme mort. 

Ouais, c'est ça, il était mort, à leurs yeux. Ma grand-mère leur a par ailleurs jamais parlé de lui. Le sujet n'était pas tabou mais à quoi bon parler des défunts ? Laissons les âmes dormir en paix.

Le Kongo, qui à la suite de destructions géographiques, culturelles et territoriales a fini de devenir la République démocratique du Congo est un grand pays.

Mon daron m'dit que c'est le Pays Moteur d'Afrique, que tout était beau là-bas, que Kinshasa surnommé Kin La Belle était autrefois une ville magnifique dans les années 70 pendant le règne de Mobutu. Les Kinois vivaient, s'amusaient, l'épicurisme était maître mot. 

Cette dernière a laissé place à Kin La Poubelle ; une ville sale, aux investissements et constructions farfelues de la part d'oligarque libanaise et d'entreprises indiennes et chinoises bandeuses de profit. Pourtant, bien qu'il ait réellement jamais pu profiter de cette période glorieuse dû à sa situation sociale, il en parle avec un sourire. L'énergie de la ville lui était commutative j'pense.

Il a grandi à Matete dans le quartier de Viaza. Il m'dit peu de choses sur le quartier. On dirait qu'il veut s'être, limiter, voire couper la conversation à chaque fois qu'on aborde le sujet.

Mon père était un pomba, un voyou qui rackettait les commerçants et n'hésitait pas à user de la machette si ces derniers ne lui donnaient pas leurs vivres. Pourtant, les pombas en général ne progressent pas ce genre de chose. Ils tuaient pas ou du moins, n'était pas prêt à tuer. Lui était à cheval entre un Pomba et un Kuluna qui, ces derniers sont des jeunes qui n'hésitent pas à te couper la main juste pour 20 dollars. J'sais pas si mon père un déjà découpé des gens. Mais mutiler, ça je le sais.

ghettoyouth - graine dans la villeWhere stories live. Discover now