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-Je vous souhaite beaucoup de bonheur à tous les deux, conclut l'officiant de la cérémonie laïque. Et bien sûr, à présent les jeunes mariés peuvent s'embrasser!

Julia et Nicolas s'échangent un baiser passionné sous une pluie d'applaudissements et de sifflements.

Je contemple la scène distraitement. C'est vraiment un mariage remarquable, si ce n'est pas pour employer le mot parfait : Julia est telle une princesse dans sa robe recouverte de strass et de dentelle, le décor est tout simplement à en couper le souffle dans cet un immense château viticole bordelais qui fait office de lieu de réception et je ne parle pas de la cérémonie qui a été animée par un quatuor à cordes. On se croirait presque dans un film hollywoodien.

Au fond, j'ai toujours su que ça se terminerait comme ça.

Julia a tout réussi. Et moi, je me retrouve dans le public, spectatrice de sa vie avec un goût amer de défaite.

Je dois l'admettre : Mes parents avaient raison.

Julia se trouve à dix milles lieux de ma position actuelle.

J'aurais dû essayer de combler le fossé qui nous séparait au lieu de m'entêter à le creuser encore plus profondément.

D'aussi loin que je m'en souvienne, Julia a toujours été la plus jolie et la plus fougueuse d'entre nous, même si j'en ai toujours eu conscience, aujourd'hui, lorsque je l'admire dans sa longue robe en soie blanche, rayonnante de bonheur, ça me paraît encore plus comme une évidence.

J'ai passé mon enfance aux côtés de ma cousine. Nous, qui étions filles uniques, nous nous considérions comme des sœurs. Elle était de quatre ans mon aînée et suscitait tant d'admiration de la part de mes parents, que je ne pouvais que la considérer comme mon exemple.

A l'époque, j'avais l'impression qu'elle avait tout vécu avant moi, (ce qui n'est pas totalement faux au fond). C'est elle qui m'a appris à faire du vélo durant les vacances d'été chez ma grand-mère, à construire une cabane avec les couvertures en laine qui trainaient ou encore à chasser les papillons à l'épuisette.

Maintenant que les souvenirs se bousculent dans ma tête, cela me semble tellement loin.

Quand j'y repense, ces beaux souvenirs que l'on ressasse lors des repas de famille ne sont que de simples artifices trop instables pour masquer la vérité. Ma relation avec Julia n'aurait jamais pu bien se terminer. Sa manie à vouloir être constamment au centre de l'attention était malsaine.

Moi aussi, je voulais une place entière dans ma famille. Et j'ai toujours été en droit de la revendiquer, on ne peut pas me le reprocher.

Cependant, il faut croire que j'ai échoué lamentablement, comme c'était à prévoir, car me voilà à son mariage avec l'impression que ma vie est exactement la même qu'il y a quinze ans, alors qu'elle semble encore plus radieuse chaque jour.

-Léonie! Je suis tellement heureuse que tu sois là !

Julia me saute dans les bras. Je lui rends son étreinte faiblement.

La honte m'assaille comme des milliers d'aiguilles qui transpercent mon cœur. Mes faux-semblant font-ils de moi une si mauvaise personne? Après tout, je suis en train de maudire Julia intérieurement lors du plus beau jour de sa vie, uniquement parce qu'elle a réussi, là où j'ai foiré.

Je. Suis. Une. Putain. D'égoïste.

-Félicitations Julia, tu es splendide, je la complimente avec un sourire forcé. Cette robe te sied mieux que n'importe quelle autre.

Je le pense sincèrement mais l'admettre est atrocement douloureux.

Mes pensées se chamboulent, il en est d'ailleurs de même pour mes émotions. La culpabilité de l'aimer autant que de la détester me ronge de l'intérieur.

Le ProfesseurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant