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La nouvelle maison de Julia se trouve dans la périphérie de Bordeaux, et ne possédant pas de voiture, mes adorables parents (notez l'ironie) se sont portés volontaires pour jouer les taxis. Personnellement, j'aurais préféré me débrouiller, quitte à pédaler vingt bornes avec un vélo de location mais ce n'est pas comme si j'avais eu mon mot à dire dans cette histoire.

C'est donc en claquant la portière bruyamment que je sors de la voiture. A ma grande surprise, le trajet fut plus silencieux que je ne l'aurais cru. Pas de commentaires désagréables sur ma tenue, ni sur mes mauvaises habitudes quotidiennes, juste le bruit de fond de la radio relatant des derniers faits divers de la région et nos échanges qui se limitent à de brèves salutations d'un simple signe de mains.

Mon père a dû avertir ma mère de ne pas plomber l'ambiance avant même d'arriver à destination, lui qui déteste s'immiscer dans les conflits. Pas que je sois en très bon terme avec lui non plus, je dois admettre qu'il est le seul à faire des efforts dans cette famille merdique.

Courage, Léonie. C'est juste un repas et dans cinq heures tout au plus, tu retrouveras ton lit.

Je marche nonchalamment dans les pas de mes parents jusqu'à la porte d'entrée qui comporte un porche surélevé par quatre immenses colonnes qui soutiennent le balcon de l'étage.

Alors que je jette un œil ébahi sur la maison de Julia, je ne peux m'empêcher de me faire la remarque qu'elle ne déconnait pas lorsqu'elle a dit avoir investi dans une maison d'architecte. Le bâtiment, plus grand que de raison pour une vie de jeune couple, est composé de grosses pierres blanches avec un étage bien visible, de larges fenêtres qui parsèment la façade et d'une véranda baignée de fleurs qui prolonge le côté droit de la maison. Autant dire que la dernière fois que j'ai aperçu une baraque pareille, c'était dans la série que j'ai maté la veille où les protagonistes étaient ultra friqués.

J'imagine déjà les sous-entendu de ma mère qui me rappelle que je ne pourrais jamais faire mieux. Je le conçois, sachant que je dépends encore de mes parents pour payer mon pauvre quinze mètres carrés.

Ma mère appuie sur la sonnerie à l'entrée tandis que mon père se tourne vers moi. Il me sourit et passe une main dans sa chevelure blonde devenue grisonnante. Lorsque j'étais jeune, je me suis souvent maudite de ne pas avoir hérité de ses cheveux blonds et de son visage rempli de douceur. A mon grand désarroi, je suis la copie conforme de ma mère: des traits sévères, des yeux marrons on ne peut plus basiques et une chevelure brune.

-Ta robe te va très bien, Léonie, déclare-t-il.

Je l'ai emprunté dans l'armoire d'Ava. Elle, qui a toujours l'air resplendissante dans cette robe à fleur, je me suis dit qu'avec un peu de chance, cela aurait le même effet sur moi et masquerait un tant soit peu mon expression dépitée à l'annonce de cette journée qui ne va tarder à tourner au calvaire.

-Merci, papa, je le remercie d'un léger signe de tête.

Le problème avec mon père, c'est que je n'ai jamais su, s'il était sincère ou s'il s'efforçait de me balancer un compliment de temps en temps pour me faire plaisir et compenser le comportement de ma mère.

-Elle n'est pas si mal, en effet, ajoute ma mère d'un ton neutre.

Mes yeux sortent presque de leurs orbites et l'espace d'un instant, je me demande si je n'ai pas rêvé cette phrase. J'ai beau me creuser les méninges, je n'arrive pas à me souvenir de la dernière fois qu'elle m'a adressé un compliment, ou du moins ce qui s'en apparente le plus.

Je n'ai pas le temps de rétorquer que la porte s'ouvre en grand.

-Tonton, Tata ! Il ne manquait plus que vous!

Le ProfesseurWhere stories live. Discover now