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*17 ans plus tôt*

Aujourd'hui, c'est Noël. Je le sais parce que j'ai mangé le dernier chocolat de mon calendrier de l'avent, c'était un énorme œuf kinder avec un jouet dedans. Ceux-là, ce sont les meilleurs mais je ne peux les manger qu'à cette période de l'année. Maman dit que le chocolat donne des caries.

J'adore Noël car en plus de pouvoir manger un tas de sucreries, je reçois toujours des cadeaux.

D'ailleurs, j'ai été très sage, j'ai même rangé mes legos qui trainaient dans ma chambre cette semaine sans que Papa ne me le demande alors j'ai hâte découvrir au pied du sapin la poupée aux cheveux bleus que j'ai commandée au Père Noël.

Par contre, je n'ai pas très envie d'aller au repas de famille. Papa et Maman assurent que ça va être sympa parce que je vais revoir papi, mamie, tonton, tata et ma cousine mais je n'en ai pas très envie. Ils sont tous grands et intimidants ; Toujours à vouloir parler fort et à me poursuivre pour m'arracher quelques mots.

Ils me font peur.

Le bruit m'angoisse et me tord le ventre, je préfère rester dans un coin tranquille, loin de tous ces yeux inquisiteurs qui espionnent chacun de mes faits et gestes.

Les seules personnes avec lesquelles je me sens vraiment en sécurité sont Papa et Maman. Mais parfois, j'ai l'impression qu'il ne comprennent pas ce que je ressens. Comme quand ils me forcent à saluer les gens qui m'effraient.

Moi, je veux rester avec eux pour toujours. Et ne plus jamais voir d'autres gens.

Je leur ai déjà dit mais ils ont rigolé en ajoutant que ce n'était pas possible. Je suis un peu triste que Papa et Maman ne voient pas les choses de la même façon que moi.

-Léonie, dit bonjour à ta tante et ton oncle, m'encourage Maman.

Je secoue la tête en gardant les yeux rivés sur le sol et agrippe son pantalon pour me cacher derrière elle.

Tonton et tata sont ceux qui me font le plus peur dans la famille. Ils sont maussades et ont toujours l'air fâchés. Je les ai déjà entendu se disputer, plusieurs fois même. C'est pour ça que je n'aime pas m'approcher d'eux, je ne veux pas qu'ils crient.

-Ne fais pas ta tête de mule et viens leur dire bonjour, regarde il y a même ta cousine Julia. Vous allez pouvoir jouer ensemble.

Julia, je l'aime bien. Elle n'est pas comme tonton et tata même si je la trouve très bruyante.

-Non, maman. Je ne veux pas, je gémis alors qu'elle me force à me détacher d'elle.

Les larmes me piquent les yeux. Pourquoi Maman ne veut pas m'écouter?

-Laisse tomber, Clara, intervient Tata. Elle est timide, c'est tout.

Maman soupire et finit par me laisser tranquille.

-Je te jure, parfois elle me fait honte.

Je serre le pantalon de maman plus fort.

Honte ?

D'habitude, je pleure à cause des gens. Mais là, je crois que c'est à cause de maman. Ses mots me font de la peine.

Ce n'est quand même pas de ma faute si je suis comme ça.

-Ne dis pas ça, ce n'est pas si grave. Tu verras, ça passera avec le temps.

-J'espère. Tu sais qu'on m'a déjà demandé plusieurs fois si elle était autiste. Parfois, j'aimerais qu'elle soit plus comme ta fille, elle qui est si extravertie et pleine de vie. J'ai dû mal à comprendre ce qu'il se passe dans la tête de Léonie.

Les larmes coulent toutes seules et je renifle bruyamment.

Pour la première fois, je suis triste parce que maman me fait mal à mon coeur.

Elle est censée être de mon côté et me défendre contre les méchants, pas leur donner raison.

-Pourquoi, tu pleures encore, Léonie? Souffle Maman, agacée. On t'a dit que ce n'était pas grave, tu n'as pas besoin de dire bonjour.

Elle me tend un mouchoir et m'essuie les yeux et le nez.

-Va jouer avec ta cousine en attendant que le Père Noël arrive.

Je tourne la tête en direction de Julia, la vue encore brouillée par les larmes. Elle porte une jolie robe à froufrous et danse devant tout le monde sur une musique de Noël.

Les yeux moqueurs n'ont pas l'air de l'effrayer, au contraire , elle n'essaie pas de se cacher d'eux mais d'attirer leur attention. Moi aussi, j'aimerai avoir son courage.

Maman a peut-être raison, je devrais peut-être être comme Julia.

Et si je la rejoignais et que j'essayais de l'imiter? Peut-être que j'aurai moins peur des yeux. Peut-être que si je fais assez d'efforts, maman n'aura plus honte de moi.

Le ProfesseurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant