Chapitre 54 : Le Jugement du Père

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(VAN)


Assis sur le Trône de l'Aigle de Remorum dans le grand Hall des Doléances du palais du Shédimat de la Cité Fleuri, le Shedim Harlec serrait dans sa main le Sceptre d'Acier en le dévisageant. Comme s'il n'était qu'un sous-homme. Un être vil et sans substance.

Rayn Harlec se leva. Ses mouvements étaient fortement marqué par la grâce prédatrice des ignemshirs. Il se tourna vers l'immense fresque murale en peinture mouvante à sa gauche. Elle représentait son ancêtre, le Sang d'Airain Al Harlec, pourfendant l'une des dix-neuf Bêtes Ancestrales, Apophulan, le Serpent-Titan du Delta du Nil.

Rayn Harlec commença alors de sa voix grave suintant d'un glacial dédain, le visage dur et figé comme de la roche :

— Les ma'nkel ne sont que des détritus. Des ordures. Cela m'apparaît encore plus clairement désormais.

Ses lèvres demeurèrent closes.

Il n'ouvrirait plus la bouche.

— Ma fille a toujours su ce qu'elle voulait. Elle a hérité de mon caractère et de ma ténacité. C'est pour cela que j'ai fait preuve de bonté en te supportant. Le seul et unique caprice de ma brillante princesse. Le seul pour lequel elle a osé me tenir tête. Tessa est ce que j'ai de plus précieux et j'ai accepté vos fiançailles. Ce n'est pas uniquement sa résolution qui m'a fait fléchir mais aussi ce que je croyais voir en toi. J'ai pensé à tort que tu étais différent des autres. Que tu étais résolu. Tenace. Inébranlable. Tu avais d'une certaine manière réussie à susciter en moi autre chose que le mépris habituel que la plupart d'entre vous, Sangs Vassaux, m'avez toujours inspiré. Et je découvre aujourd'hui que tu n'es en réalité qu'une chiffe molle. Un serpent. Un incapable.

D'un revers du bras, son poing serré explosa la tête d'un des deux faucons en pierre, qui se dressaient de part et d'autre du trône. Ils étaient vieux de huit siècles et d'une valeur inestimable. Des asservis en tenue bleue, blanche et noire frappées de l'emblème du Sang de Harlec se précipitèrent pour nettoyer. Un regard du Shedim les pétrifia et ils filèrent aussi vite qu'ils étaient venue.

Son atmosphaira se portant au Brasier Central emplit le Hall des Doléances. La pression le fit grimacer. Il n'osa pas répandre pleinement le sien – ce qui aurait pu être perçu comme un signe défi de sa part – mais le conserva légèrement au-dessus du Vide. Sinon, il se serait effondré sur le tapis, les os broyés par la pression avant de perdre connaissance.

L'œil sinistre, Rayn Harlec lui dit d'une voix glacée :

— Une promesse à ma famille, ne se romps pas. Pour qui te prends-tu ? Penses-tu que tu peux mépriser ainsi ma fille ? la rejeter comme si elle n'était qu'un accessoire dont tu t'es servi pour te faire une place parmi les Sangs d'Acier, sale petite raclure ? Tu me révulse. Ta seule vue me dégoute. Penser que le tas d'immondices que tu es, aurait pu devenir un membre de ma famille et mon gendre, me répugne. J'ai fait la sourde oreille quand mes conseillers ont voulu me décourager d'allier ton sang vil et ta chair abject à ceux de ma fille, à celle de ma famille. J'ai dédaigné toutes ces fables de vieux salomens séniles mais je n'aurai pas dû. Dorénavant, ne t'approche plus jamais de ma fille, ma'nkel. Sache que si je trouve une occasion de te détruire, je la saisirai.

Rayn décrocha son neshir Impérial de sa corne immaculée frappée de quatre couronnes au couleurs azur, écarlate et dorée, et l'alama – de la fumée blanche et ambrée jaillit en tourbillonnant de la garde incurvée noire ciselée de plume et forma dans des crépitements furieux qui tonnèrent dans le grand hall une lame élégante couleur de bronze recouverte de veinules blanches. Un lynx bondissant sur un nuage, l'emblème de l'Ecole Apaisée, le Shirkairon de Rayn Harlec, l'Ecole de Neshirinshi à laquelle il appartenait, luisait sur le dos des mitaines en cuir qu'il portait.

Menaçant, Rayn Harlec descendit vivement de sa démarche souple de prédateur, les marches menant au trône et s'avança vers lui, fou de rage. Ses yeux fixèrent le sol avec dignité. Son corps ne bougea pas d'un pouce à son approche. A cause de la tradition des amalia, il ne ferait rien. Il accepterait le châtiment du père.

Quel qu'il fût.

Rayn Harlec leva son bras, le tranchant de la lame fendit l'air droit vers lui.

Une douleur irradia son cou. Il ne tressaillit pas, ne bougea pas et ne manifesta pas la moindre peur, ni la moindre expression de douleur alors que son sang se répandait, abondant et chaud, dans son cou.

Le Shedim demeura immobile quelques secondes. La lame de son neshir tranchait toujours légèrement la base de son cou engourdit par la douleur. Ce vétéran mourait d'envie de l'enfoncer dans sa chair. De lui briser l'os. De le décapiter. Inondant l'air de ses pulsions meurtrières qui poussaient son sixième sens à l'alerter par des fourmillements furieux sur sa nuque La lame claire de son neshir était parcourue d'un infime tremblement. Le père de Tessa luttait pour se contenir. Après quelques secondes qui parurent de longues minutes, son neshir se délama. La lame encore contre son cou se mua en fumée en crépitant. Une brûlure intense. Sa chair grésilla. Les volutes blanchâtres et ambrés se dissipèrent dans l'air. Sa blessure, il l'avait cautérisé. D'un geste gracieux, le Shedim riva de nouveau son neshir à la base de sa corne blanche au côté.

Son atmosphaira disparut.

Sa voix pleine de rage contenue marmonna :

— Tu as de la chance d'être un Sheyen. Tu as la chance qu'un édit royal te protège, Yen'doshushimu Tanakim. Tu as vraiment de la chance.

Une douleur explosa sur sa joue alors qu'un goût familier et cuivré se répandit sur sa langue.

Aucun son n'avait franchi ses lèvres. Le Shedim Harlec venait de le gifler avec le dos de sa main. L'orkin fusionné à sa peau, source du Stigmate des Chevaliers Cendrés qui brillait sur le dos de sa main, lui avait coupé la joue.

Le Shedim posa sur lui un dernier regard bouillonnant de colère avant de s'en aller, le Sceptre d'Acier à la main, signe de son autorité sur Remorum, suivit par la Dame Historia qui ne lui accorda aucun regard.

Ils le laissèrent seul, à genoux face à un trône vide. Zarun, le faucon, perché sur l'une des ailes du grand aigle impérial d'acier couvrant le trône de ses ailes déployées, le fixait toujours avec une froideur réprobatrice.

Il n'avait jamais aimé ce faucon grincheux.

Un raclement de gorge s'éleva dans son dos. Un des noguemis chargés de la sécurité du Shédimat, un des Garde de Terre probablement, était entré en silence.

Pierre.

Il se releva comprenant ce que cela signifiait. Seul un mépris souverain brillait dans le regard de Pierre, le Porte-Sceptre du Sang de Harlec, un Garde de Terre aux cheveux de neige qu'il avait souvent côtoyé au cours de ces trois dernières années.

Ils avaient toujours été en bon terme mais cela appartenait désormais au passé.

Il n'était plus à ses yeux qu'un renégat.

Un homme sans parole, ni honneur que son Shedim avait eu la bonté de ne pas décapiter pour son affront.

Précédant Pierre, ses pas résonnèrent dans le silencieux Hall des Doléances du Palais Fleuri de Remorum.

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Ignemshirs, La Saga des Sangs d'Airain, Tome 1 : Le Réveil du GémeauWhere stories live. Discover now