Chapitre 1.1

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Zyniarold

Grenzadia, capitale Elfe de Grenzadiel, LuneTerre.
Trois mois plus tard.

Accroupi sur le toit d'une taverne, j'observe avec avidité les touristes en contrebas. Si innocents. Si heureux. Si prompts à s'exhiber et à roucouler.

Tout ce que je déteste, en somme.

Mais ils ont une indéniable qualité : ils sont riches. Très riches.

Trop riches, ils ont besoin d'aide pour s'alléger un peu. Les pauvres, avec tout cet or, ça doit être dur de marcher !

Un centaure happe soudain mon regard. J'ai l'habitude de voir des centaures ; ils sont partout en ville depuis qu'une délégation a traversé l'océan pour tenter de négocier une alliance avec les Elfes. Celui-ci est différent des rustauds guerriers. Plus noble. Plus fin.

Plus doré, oui ! Il pourrait faire partie de la famille royale tellement il a d'or sur lui !

De ses oreilles effilées lourdes de boucles à ses bracelets de gemmes, en passant par le tissu précieux qui drape son torse et une partie de sa croupe, tout en lui aspire au délestage salvateur. Il est tellement alourdi qu'il ne peut plus se déplacer de ce trot crâne que ces baudenets adoptent toujours !

Prudent, je lisse mes mèches rebelles et noue le reste de mes cheveux en couette haute (le genre qui ferait hurler ma mère tellement je ressemble à un épouvantail comme ça) avant de camoufler le tout sous une capuche. Puis je dissimule mon visage avec un foulard. Je n'ai pas le choix si je veux passer un minimum inaperçu ; tout le monde me connaît en ville.

Les centaures ne sont pas des proies faciles : puissants, redoutables combattants, massifs. Mon avantage est leur vantardise. Ils se pensent tellement au-dessus des autres qu'ils ne s'en méfient pas. Ce sont les créatures les plus imbues du monde entier. De tous les mondes réunis, même. Ils pensent que tout leur est dû et que l'univers devrait être à leurs sabots.

Raison de plus pour faire de ce bellâtre au rabais ma victime.

Inconscient du danger, il reste centré sur son nombril. Il se mire dès qu'il le peut. Il caresse ses bijoux. Ses muscles aussi. Il lustre son pelage. Il virevolte sur lui-même comme s'il cherchait une oreille digne d'écouter ses théâtrales tirades.

Il ne me voit pas glisser au sol. Il ne détecte pas l'ombre qui le suit rue après rue. Ne soupçonne même pas que la silhouette gracieuse et légère à quelques pas derrière lui menace de lui tomber dessus à tout moment.

Et il ne fait pas plus attention à l'Elfette qui dérobe sans difficulté une de ses bourses.

Ce baudenet est pas seulement imprudent, il est totalement inconscient !

Même si Grenzadia est une des villes les plus sûres de tout le continent, même si les habitants ne sont pas dans le besoin, les roublards courent les rues. Par pure rébellion, pour la plupart, c'est même une mode chez les jeunes en ce moment : mettre leur parent dans l'embarras. Hier, j'ai croisé un groupe d'adolescents Elfes et Humains qui pariaient sur leur capacité à échapper le plus longtemps possibles aux gardes impériaux.

Je ne suis pas comme eux.

Eux volent pour le plaisir, je le fais par nécessité. Pas une nécessité pécuniaire, mais un besoin viscéral de m'occuper l'esprit, de me focaliser sur une tâche ardue pour échapper à mes problèmes.

Le centaure s'arrête devant un étal et m'offre son flanc gauche à la contemplation... si tant est que quelqu'un puisse avoir envie de contempler ce demi-baudenet. Indifférent au mouvement de recul de la vendeuse, il se penche, un sourire aguicheur aux lèvres. Il badine. Il séduit.

RPG, en route pour Grenzadiel ! (MM, queer)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant