Chapitre 4.2

36 9 2
                                    

Sitôt qu'elle m'aperçoit, elle agite les bras dans ma direction.

Elle me cherche.

Elle et les quatre personnes derrière elle.

Attends... quatre ? Comment ils ont fait pour se multiplier aussi vite ? Et qu'est-ce qu'ils me veulent ? La citrelune. Ils veulent sans doute récupérer la citrelune. Pas question, elle est à moi !

De trois Héros qui discutaient avec moi, je me retrouve avec cinq aux trousses. Je n'ai plus qu'une chose à faire : courir.

Ma souplesse et mon agilité me permettent de slalomer sans heurt dans la foule. Heureusement que la Capitaine ne me surveille plus, sinon je n'aurais aucune chance de m'en tirer.  Après une brève hésitation, j'abaisse ma capuche. L'éclat argenté de mes cheveux suffit à lui seul à m'ouvrir un passage confortable. Mes semelles claquent sur le sol, dérapent sur les pavés trop lisses : je n'aurais jamais dû mettre des sandales, ce matin.

Quelques « L'Audacieux fait encore des siennes » fusent sur mon passage. Quelques encouragements moqueurs aussi. Je me crispe lorsqu'un cruel « C'était mieux quand il se terrait au palais » siffle à mes oreilles.

N'y pense pas, n'y pense pas, n'y pense pas.

Les dents serrées, je repousse la brume de terreur qui tente d'empoisonner mon esprit et jette toutes mes forces dans mes mollets. Ce n'est plus seulement les Héros que je tente de fuir, ce sont les voix. Les souvenirs.

Mon passé.

Le problème ? Je suis rapide, mais pas endurant. Il ne me faut que quelques minutes à ce rythme effréné pour cracher mes poumons. Je m'assure d'un coup d'œil en arrière que la chevelure rousse de la TerreMondienne n'est visible nulle part et je bifurque dans une ruelle dérobée.  À peine plus large que mes épaules (et infestée de scrapelats), elle ne figure sur aucune carte de la ville. Je devrais y être tranquille un moment.

Les mains sur les genoux, des mèches de cheveux collés au front, j'inspire en ignorant la douleur de mes côtes, ravi d'avoir semé mes poursuivants. Un scrapelat tombe sur mon épaule, je le chasse avec un hoquet écœuré... et me fige d'incrédulité.

Ce n'est pas un scrapelat : cest un Strékidus. Un strékidus mécanique. 

Le papillon bat paresseusement des ailes, comme s'il me narguait. Si Tatialine m'a envoyé sa bestiole, c'est qu'elle lui permet de me surveiller. J'ignore comment, mais l'Humaine est sans doute en train de m'observer en ce moment même.

Je contiens un geste grossier dont Mère ne serait pas fière et m'agace :

— Qu'est-ce que vous me voulez ? Je suis en état d'arrestation ? Non ? Alors foutez-moi la paix ou je démolis votre joli papillon !

Théoriquement, je n'ai pas le droit de détruire les possessions de la Forteresse. Dans les faits, je m'en contrefiche : ma tranquillité avant tout.

Je me détourne et m'éloigne, nonchalant. La foutue bestiole mécanique continue de voleter autour de mes oreilles. 

Réfléchis, Zyn, réfléchis. 

Inutile de recommencer à courir tant que je suis surveillé par le strékidus. Je dois donc trouver un endroit où le strékidus ne peut pas me suivre. Et comme il me reconnaît sans doute à mon apparence, je dois en changer.

Je sais ! L'échoppe de Tyrang ! Deux entrées. Toujours très sombre. Vente de vêtements. Le problème sera de la convaincre de m'aider, elle ne m'aime pas beaucoup. Pas du tout. 

Je poursuis ma route d'un pas rapide tout en gardant un œil sur l'horripilant insecte. Soudain, je m'en empare et le jette au loin avant de m'engouffrer dans un petit magasin de capes, houppelandes et de babioles en tout genre.

RPG, en route pour Grenzadiel ! (MM, queer)Where stories live. Discover now