CHAPITRE 12 : L'odeur de ses mots

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Nos souvenirs ensembles sont gravés à jamais,

Tels des éclats de bonheur parsemés.

L'encre coulait, glissant lentement sur le sol comme une rivière sombre et délicate. Elle prenait une trajectoire méthodique, créant une flaque sur le parquet vernis, son contour s'étend avec une précision presque artistique. Les nuances de noir dans cette étendue liquide capturaient la lumière, créant des reflets changeants qui donnaient à la flaque une profondeur mystérieuse.

La flaque était aussi sombre que les pensées de celui qui l'avait malencontreusement créée. Elle absorbait toute la lumière et s'immisçait dans les rainures du parquet usé, impliquant désormais toute tentative de nettoyage.

Le bois exprima une longue plainte lorsqu'une paire de chaussures pressées se mirent à faire les 100 pas sur lui.

Le propriétaire de l'habitation, tout à fait indifférent à la tâche d'encre qui s'épaississait sur le sol, pianotait machinalement sur son téléphone en tentant de trouver une explication qui justifiait le fait d'offrir une poignée de nouvelles romantiques à son "rival".

Soudain, un sac fut attrapé, et les pieds quittèrent la pièce, accompagnés du murmure furtif d'un raton-laveur enrhumé.

N'écris pas. Je te crains ; j'ai peur de ma mémoire ;
Elle a gardé ta voix qui m'appelle souvent.
Ne montre pas l'eau vive à qui ne peut la boire.
Une chère écriture est un portrait vivant.

Les chaussures de Poe formaient de grandes traces sur l'herbe qui s'aplatissait sous son poids. Sa tête comme ses livres étaient remplis de mots, de phrases, de paragraphes qui témoignaient tous de la puissance de son amour pour l'autre.

Le brume du matin brouillait ses yeux et son esprit, le laissant seul dans l'immensité infinie de ses pensées.

N'écris pas ces deux mots que je n'ose plus lire :
Il semble que ta voix les répand sur mon cœur ;
Que je les vois brûler à travers ton sourire ;
Il semble qu'un baiser les empreint sur mon cœur

Malgré les obstacles, il arriva finalement devant les appartements de l'Agence dans lesquels vivaient leurs membres. Poe monta silencieusement les marches qui le menaient à Ranpo. Il dépassait lentement la limite qu'il s'était posé et toqua à la porte en priant pour que le détective soit présent.

Cela faisait plusieurs jours et plusieurs nuits qu'il avait prévu ce moment. Il avait spécialement préparé l'événement, en choisissant un jour où Ranpo ne travaillait pas et où il ferait probablement la grasse matinée. Le Japonais serait donc de bonne humeur. N'est-ce pas ?

Il se lève de son lit, amer,
Avec des pensées de tristesse dans la tête, Il idolâtre être mort. Affronter la journée avec une peur sans fin.

La voix de Ranpo lui parvint enfin depuis l'autre côté de la porte :

"Nghhmm...entre Poe c'est ouvert..."

Ranpo savait qu'il allait venir. Il savait toujours tout. Et s'il connaissait déjà ses véritables intentions ?

N'écris pas. Je suis triste, et je voudrais m'éteindre.
Les beaux étés sans toi, c'est la nuit sans flambeau.
J'ai refermé mes bras qui ne peuvent t'atteindre,
Et frapper à mon cœur, c'est frapper au tombeau.

Il entra, toujours aussi silencieux. Juste assez pour avoir la plus belle vue possible sur un Ranpo assit en tailleur sur une chaise molletonnée en train de dévorer une friandise Japonaise pour le petit-déjeuner.

Ses cheveux de jais étaient en bataille. Ils l'étaient toujours, mais, cette fois-ci, il ressemblait un peu à un hérisson.

Ranpo était de dos, laissant une vue complète à Poe sur son pyjama à motifs. Le cœur de Poe fondit comme de la neige en plein été. Maintenant qu'il s'en était rendu compte, le détective était le plus bel homme que l'écrivain ait jamais vu.

N'écris pas. N'apprenons qu'à mourir à nous-mêmes,
Ne demande qu'à Dieu... qu'à toi, si je t'aimais !
Au fond de ton absence écouter que tu m'aimes,
C'est entendre le ciel sans y monter jamais.

Il avait du mal à respirer, son corps tout entier le brûlait et ses mains devenaient moites. L'écrivain n'avait pas dit un mot qu'il regrettait déjà son choix.

N'écris pas. Je suis resté longtemps, seul, devant mon désastre.
Des midis sans soleil, des minuits sans un astre,
J'ai, là, vécu d'horribles jours .

Poe n'avait pas le courage de dire quoi que ce soit. Il n'avait pas l'énergie nécessaire pour ça. Il se débrouilla pour marcher jusqu'à l'autre sans tomber et il déposa ses livres devant lui toujours sans rien dire. L'Américain baissait la tête sous le poids de la honte. Et si Ranpo le rejetait et ne voulait plus jamais le revoir ?

N'écris pas. J'ai pensé à ces rois heureux
Lorsque le faux amour et celui Dont je suis encore amoureux
Heurtant leurs ombres infidèles
Me rendirent si malheureux.

Ranpo lui posait tout un tas de questions qu'il n'entendait pas. Il écoutait, mais le son ne parvenait pas jusqu'à ses oreilles. Il avait peur de tomber, de s'évanouir devant celui qu'il aimait et de ne plus pouvoir se relever.

N'écris pas. Adieu faux amour confondu
Avec l'homme qui s'éloigne
Avec celui que j'ai perdu
Et que je ne reverrai plus.

Après une attente qui lui parut interminable, le détective prit un des manuscrits de son ami et l'ouvrit.

N'écris pas. A quoi bon vivre, étant l'ombre
De cet ange qui s'enfuit ?
A quoi bon, sous le ciel sombre,
N'être plus que de la nuit ?

Poe ne savait pas quoi faire. C'était la seule chose qu'il n'avait pas prévu. Que faire maintenant que Ranpo lisait son ouvrage ? Il voulait disparaître sous terre.

N'écris pas. Je suis la fleur des murailles
Dont avril est le seul bien.
Il suffit que tu t'en ailles
Pour qu'il ne reste plus rien.

Son cœur cessa finalement de battre quand Ranpo reposa la nouvelle sur le buffet, les yeux grands ouverts et perdus dans le vide.

Il finit finalement par poser son regard doux sur l'Américain.

"Ed...c'était...c'était...différent. Oui voilà c'était différent de d'habitude...est-ce que tout va bien ? Ton style d'écriture a changé je trouve..." Il lui mit la main sur l'épaule en lui souriant. "Si quelque chose t'ennuie faut me le dire hein ! Je suis le meilleur détective du monde je pourrais trouver une solution !"

Poe s'écarta rapidement de son toucher et se précipita vers la sortie. Il balbutia quelque chose comme "Lis les autres." et il s'enfuit, Karl toujours sur ses épaules.

Sur le chemin du retour, il se laissa tomber sur un banc et soupira en regardant le ciel.

Poe ferma les yeux et s'endormit pour la première fois depuis plusieurs jours.

Me revoilà :D
Désolée du retard j'étais surchargée de dm de maths 😒
Mais maintenant je vais les bâcler et continuer à écrire autant que je peux ^^
Bonne journée ou nuit à tous :D

Ranpoe  • Sweet DreamsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant