15 | Insolente douceur

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Bientôt une heure que je déambule dans le salon

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Bientôt une heure que je déambule dans le salon. Soixante minutes ressenties six heures.

Son appartement cadre bien avec son physique : sérieux, ordonné, rationnel. Une odeur de cuir et de menthe flotte dans l'air. Tout respire le neuf et le sérieux, et seules les enceintes sculpturales diffusent un semblant de vie.

Trois meubles blancs et des murs nus, blancs eux aussi, qui ne servent qu'à encadrer cette maison-témoin. Témoin de mon angoisse qui me ronge la lèvre inférieure au point de la faire saigner.

Loin de me figer, le décor feng shui qui appelle au calme et la sérénité me provoque encore plus le besoin de bouger. Mes pieds nus s'activent mécaniquement de gauche à droite sur le marbre froid, si propre qu'on aurait pu manger dessus.

Mon regard n'avait rien sur quoi s'échapper. Rien pour aseptiser le torrent qui dévalait en moi, ni me permettre d'exorciser les visions qui me venaient. Pas un objet, pas un tapis, pas une poussière. Je me dirige alors vers le seul endroit qui me fera échapper à la folie : la fenêtre.

Il fait nuit noire, les maisons voisines dorment encore, seuls quelques réverbères propagent un signe de vie qui me permet de dénouer mes pensées quelques instants. Pas suffisamment.

Hantée par l'éprouvante nuit que je viens de passer, je ressasse nos déboires et imagine avec des sueurs froides ce qu'il se serait passé si je n'étais pas venue.

Une humeur désastreuse s'empara seconde après seconde de mon cerveau. De désespoir, je donne des petits coups de crâne contre la vitre.

Quand il m'a expliqué le plan, j'ai tout de suite décrété que c'était insensé, mais Eduardo aime les trucs dingues. Et un duo n'en est pas vraiment un si on ne partage pas tout, surtout la folie...

La voix rauque de Cardini me sort de mon état cotonneux.

- C'était pas une dizaine de points, mais deux dizaines, prononce-t-il avec une certaine ironie dans la voix.

D'un pas de somnambule, je m'approche dans l'intention de savoir quand je pourrai parler au blessé. Il anticipe et me répond avant même que je ne prononce un mot :

- Il a passé un sale moment, donne-lui une petite heure avant de se réveiller.

Planté les mains dans les poches, il a le visage plus fatigué que le mien et son apparente tranquillité cache très mal la curiosité qui lui brûle les lèvres. Son regard me demande ouvertement si les explications vont venir d'elles-mêmes ou s'il va devoir patienter.

Ce n'est pas dans mon tempérament de me confier. Encore moins à lui. Et puis, comment lui dire qu'Eduardo a failli mourir ? Que j'ai frappé comme une démente avec ma batte de baseball sur le crâne de cet individu qui venait de lui tirer une balle ? Qu'a deux centimètres près elle lui aurait sectionné la carotide ?

Au pire, on meurtWhere stories live. Discover now