16 | Désordre

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L'honnêteté voudrait que j'admette culpabiliser de n'être pas venu la voir

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L'honnêteté voudrait que j'admette culpabiliser de n'être pas venu la voir. Au téléphone, elle n'avait pas l'air dans son état normal. D'ailleurs, c'est quoi son état "normal" ?

Traverser un boulevard à reculons ?
Se frigorifier sous la pluie ?
Ouvrir sa porte avec un couteau dans le dos ? Tabasser des criminels en plein nuit ?

Oui, ces réactions excessives cadrent parfaitement avec le caractère de la crevette. Dès qu'une chose ne lui plait pas, son cerveau vrille et elle réagit de façon surprenante. Sans chercher à comprendre, elle agit, violemment.

Ce soir tout en elle criait vengeance, mais surtout désespérance. Et la douleur qui bouillonne en elle devait s'épancher sur quelqu'un, alors je tombais à pic pour éponger des dégâts qui ne me concernent pas.

- Je ne sais pas qui tu veux venger, mais je suis certain qu'il ne serait pas d'accord.

Impuissante à parer les cent kilos de muscle qui se sont écrasé contre elle, elle n'avait pas d'autre choix que de m'écouter et de laisser fondre sa colère.

- Et s'il approuve, alors il ne mérite pas ton dévouement.

Lentement, les secondes s'égrènent au rythme de nos respirations. Son corps s'est détendu mais elle reste étrangement stoïque, les paupières closes, créant une cloison invisible entre nous. Ça me faisait du mal de la voir dans cet état.

Soudain, elle lève le regard vers moi comme si elle regardait le ciel. Elle me fixe un long moment et ses yeux sont magnifiques. On y devine des blessures et des rêves, une profondeur et une gravité inouïe.

Je l'observe, comme hypnotisé, en tentant de saisir toute la complexité des teintes que prennent ses iris pour anticiper ses réactions. Sa façon de me regarder est à la fois intime et sensuelle, un peu trop pour moi qui vis seul depuis des mois et des mois. Plongé dans son regard vert, la passion que j'y lus me pétrifia. Une vague de chaleur me parcourut et fit bouillir le sang dans mes veines.

Luttant contre l'impulsion qui me pousse un peu plus vers elle, je décide de me détourner en posant mon front sur mon avant-bras contre le mur. Ma résolution vacille en chemin. Au contact de son odeur, c'est presque malgré moi que mon nez se retrouve dans son cou.

Sa transpiration est agréablement parfumée d'épices boisées, et mon cœur s'emballe à cause des phéromones qu'elle dégage. Intérieurement, je me promets de n'y reste qu'un peu, pas longtemps, juste le temps de percevoir les nuances d'un peu plus près.

Illusoire.

Lorsque nos corps se sont frôlés, elle s'est mise à trembler d'émotion, avouant sans un mot son trouble. Et tandis que je ne cesse de m'enivrer de sa peau, tout disparaît autour de nous.

La cuisine aux milles éclats de verre brisés, le blessé, la nuit, Istok, nos malheurs et nos souffrances.
C'est toute la vie qui s'arrête d'exister pour nous laisser vivre.

Au pire, on meurtWhere stories live. Discover now