Chapitre 2

87 1 0
                                    

Aux alentours de 10 heures, Matthieu s'arrêta dans son travail dans un premier temps pour laver sa tasse de café vide mais aussi pour jeter un œil sur Valentine qui jouait dans sa chambre et qui était bien silencieuse quelques minutes auparavant. Beaucoup se seraient demandé, pourquoi Valentine ne va pas à l'école ou tout du moins, pourquoi n'était-elle pas scolarisé ? La raison était pourtant évidente: ayant le syndrome de Kanner, donc une mentalité d'un bébé de 2 ans et des poussières, il était impossible à la petite fille de 7 ans de suivre le moindre cours de sa vie.

Matthieu s'était même résolu à déclarer son incapacité de travail si Valentine n'était pas capable d'évoluer au fil des ans. Il y avait bien sûr une éducatrice spécialisée qui passait de temps en temps pour s'occuper de Valentine quand son père était très occupé, mais Matthieu pouvait aussi compter sur l'aide de son voisin de palier et ami Adrien Gramm, barman de nuit de son état, très compréhensif âgé seulement de 27 ans et célibataire.

Matthieu et Adrien se sont pourtant rencontré par le plus grand des hasards et ont fini par sympathiser sans trop s'accommoder de détails saugrenus. Travaillant donc de nuit, le matin, Adrien dormait comme un loir, et ne se levait qu'à midi étant donc disponible tout l'après-midi jusqu'à 18 heures. Pour l'heure, Matthieu s'empressa de laver sa tasse avant d'aller voir ce que faisait sa fille. Il la trouva en train de dormir sur son tapis de jeu, le pouce dans la bouche, sa poupée sous le bras, rêvant à s'en perdre la tête. 

- Je vois qu'elle a le rythme biologique d'un bébé. C'est comme cela, on n'y peut rien. Je vais la coucher dans son lit. Décida Matthieu. 

Comme il l'avait annoncé, le jeune père Asperger prit sa fille dans ses bras, l'allongea sur le lit, et lui enleva ses vêtements pour ne laisser que sa couche. Mais cette dernière était bien trempée. Pas de doutes possibles, Valentine avait dû faire pipi dans sa couche pendant que Matthieu était en train de travailler. Qu'à cela ne tienne. D'une main experte, il détachait la couche de sa fille, la mit dans la poubelle à couche de la chambre de la petite, et prit une couche propre du paquet disposé dans l'armoire pour la mettre sur sa fille. 

- Voilà, elle est prête pour dormir. A l'abri, et au sec. Dit Matthieu. 

Mais il ne s'arrêta pas là. Il sorti de la commode de sa fille, un t-shirt au col américain blanc qu'il lui mit, et ainsi vêtue de la sorte, elle fut mise au lit sous sa couverture, partie au pays des songes pour faire une découverte surprenante. 

- Dors bien, mon petit bébé chéri. Fit Matthieu en apposant un baiser sur le front de sa fille. 

Matthieu était ce que l'on pouvait appeler un père qui adore sa fille à en crever. C'était sa raison de vivre. Quand il était étudiant, alors qu'il n'avait que 21 ans, il a rencontré sa copine avec laquelle il a eu une relation sérieuse. Et puis, à force de le faire, même en prenant ses précaution, cela est arrivé, mais Matthieu se sentait prêt ce jour-là. Il y croyait, il le savait, dès qu'il a apprit qu'il allait être papa d'une petite fille, il devait la rencontrer, c'était le début de son histoire. Malheureusement, le conte de fée s'est transformé en cauchemar, l'accouchement était plus long que prévu et la mère de Valentine avait fait une hémorragie prénatale pendant que le travail avait commencé. Valentine a pu naître sans trop de complication, mais sa mère est morte en lui donnant la vie. Elle n'avait que 20 ans.

Depuis quelques années, Valentine avait comprit malgré son syndrome de Kanner qu'elle ne connaitrait jamais sa mère, mais tant que son père était là, elle se sentait capable de soulever des montagnes. Néanmoins, Matthieu a bien été accompagné pour élever Valentine. Il y avait bien sûr, Édith la grand-mère de Valentine, un peu rigide concernant la différence certes, mais elle respectait le parcours qu'avait mener son beau-fils pour en arriver là où il en était aujourd'hui.

De retour à son ordinateur, Matthieu boucla son dossier, fit un mail de plusieurs lignes à sa principale cliente et cliqua sur envoyer. Tout était bon, Matthieu s'accorda alors une pause de 15 minutes et en profita pour scroller sur internet dans son canapé sans oublier de surveiller le baby-phone au cas où Valentine se réveille. C'est alors qu'un mail arriva, Matthieu s'empressa de le lire, et il vit:

- Merci pour le pavé, j'ai bien de la chance de traiter avec des autistes, dommage qu'il n'y ait pas de loi pour réguler tout cela.

Ce commentaire, bien que déplacé, pouvait sembler très réactionnaire de premier abord. Mais la personne qui l'a expédiée s'appelait Erika Laforge, que Matthieu appelait Madame E parce qu'il n'avait pas envie de lui faire la moindre pub. C'était une investisseur quelque peu fasciste de 56 ans, à l'image des politiciens de l'extrême droite qui vivaient encore dans les années 1960. Mais maintenant, Matthieu avait fait la part des choses concernant ce genre de personnes un peu con-conne si on pouvait les appeler ainsi. 

- Elle tape là où cela fait mal. Réagit Matthieu d'un ton monocorde. 

Même si cela lui touchait personnellement, ce mail ne lui faisait ni chaud ni froid. Combien de fois avait-il entendu des remarques désobligeantes des gens qui étaient fâchés avec lui. Il suffisait qu'il se balade dans la rue avec sa fille pour que les gens réagissent en mode: " Ah, j'ai peur ! Qu'il est bizarre celui-là, fuyez l'autiste." Très clairement, ils le jugeait sans le connaître, raison pour laquelle il préférait rester seul avec sa fille la plupart du temps. Mais alors qu'il s'apprêtait à reprendre son travail, quelqu'un sonna à la porte. Qui cela pouvait-il être ? Matthieu allait tout de suite le découvrir.

Le Combat d'un PèreWhere stories live. Discover now