Le rôle de ma vie...

9. Eden (2)

— Qu'est ce qui ne va pas chez toi ?!

Je reste interdite face à ses paroles bien trop tranchantes.

— Ce n'est pas le soir Williams, s'il te plaît !

— Je confirme, ce n'est pas le soir, souffle-t-il avec dépit.

Il se frotte l'arrière du crâne et secoue la tête.

Il semble ruminer, cette fois en silence, ravale les paroles que je sens au bout de ses lèvres. Ses pupilles se dilatent tandis qu'elles parcourent assidument mon corps à moitié nu, semblant découvrir à l'instant ma tenue, ou plutôt, mon absence de tenue !

Mon souffle se bloque dans ma trachée, mes mains viennent enserrer ma poitrine, que je sais pourtant recouverte par la serviette. Il a ce je-ne-sais-quoi qui m'impressionne, qui m'intrigue et me terrorise à la fois...

— Commence par t'habiller, souffle-t-il d'une voix rauque et caressante.

Je n'insiste pas, ne répond rien, cette soirée à peine commencée est déjà un enfer ! Je n'arrive pas à croire que j'ai dû faire face à Alex !

J'enfile un jean à la va vite, ainsi qu'un petit haut fluide et moulant de couleur noire. Je ressors de la chambre comme anesthésiée. J'ai l'impression de flotter au-dessus de moi, de regarder ma vie d'un air détaché. Même pas besoin de me saouler, en somme ! Cameron m'attend, le regard sombre en accord avec sa légère barbe drue, les mains dans les poches et les dents serrées. Putain, mais je ne sais même pas pourquoi il m'en veut !

— Alors comme ça, on couche ensemble ? reprend-il d'une voix plus calme. À un moment, va falloir arrêter de fantasmer et passer aux choses sérieuses, Jones.

Je roule des yeux, pourtant je sens l'électricité qui continue d'alimenter tout son être. Il tente de plaisanter, mais son sourire n'atteint pas son regard éteint.

— Je peux savoir ce qui me vaut ta merveilleuse humeur de ce soir ? C'est quoi cette histoire de clés ?

— C'est pas mon jour, c'est tout.

La tension qui émane de son corps robuste est en total opposition avec son attitude des derniers jours. Plus rien d'enjoué ou de bienveillant, il ne reste que la distance. Et étrangement, cela m'attriste. Il semble évoluer dans un monde de rage et de noirceur.

C'est vrai qu'on s'est à peine croisé sur le tournage aujourd'hui, car nous n'avions pas de scène commune. D'autant que Brian a préféré retarder nos scènes intimes pour qu'on puisse « prendre du recul sur notre couple ». Pourtant hier, tout semblait rouler entre nous.

— Je rentre, je suis crevé.

Et de ça, je n'ai aucun doute vu les cernes qui s'étendent sous son regard orageux.

— Ça n'a pas l'air d'aller, Cam...

— J'ai juste besoin d'une longue nuit de sommeil. Bonne soirée, Eden, souffle-t-il avant de disparaître.

J'ignore pourquoi, mais j'ai la sensation que son attitude cache un mal être bien plus important que ce que j'imaginais. Depuis qu'on se connait, je ne vois que la surface, le sommet de l'iceberg. Et pour être honnête, je n'ai jamais cherché à gratter sous sa carapace. Je lui ai collé l'étiquette du parfait connard, et ça me convenait bien, même si au fond, sa relation avec Hailey aurait dû suffire à me convaincre qu'il n'était pas si terrible.

Perturbée, j'y songe encore lorsque je grignote une salade devant la télé, en me faisant la remarque que mon ex s'est pointé, mais que c'est à Cameron que je pense.

À moitié endormie devant la télé, j'entends vaguement la clé tourner dans la serrure. J'étouffe un bâillement en me redressant tandis qu'Hailey s'installe à mes côtés dans le canapé. Ses mèches couleur ébène dissimule son visage, et je peine à distinguer son expression. Pourtant, la mélancolie qui imprègne l'atmosphère est si palpable qu'elle en devient pesante. Sans la regarder, je cherche sa main et serre ses doigts.