Premier chapitre

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Les scientifiques ont souvent assimilés Instinctus à la puberté car il s'agit d'un ensemble de modifications morphologiques et psychologiques. C'est une étape du développement par laquelle nous passons et il y a deux issues : soit vous devenez des proies, soit vous devenez des prédateurs. Le bien ou le mal. Instinctus est imprévisible, personne n'est à l'abri et le virus peut se déclencher à n'importe quel moment de notre vie, quinze ans, trente ans, soixante-dix ans. Il n'y a aucun moyen de neutraliser les effets ou guérir car le problème se trouve au niveau psychique et biologique, une fois que vous avez perdu la bataille contre le mal en vous ou laisser le mauvais vous submerger, il n'y a plus de retour possible. C'est fini.

Au début, ma famille pensait qu'un retour à l'état normal était possible. Quand Hypérion, mon oncle a été touché par Instinctus, sa femme, Théia, dévastée, a essayé de le sauver et n'a rien dit à personne. Elle l'a gardé attaché à un arbre et a prié pour qu'un miracle arrive, pour que « le démon quitte son corps ». Cependant il ne l'a jamais quitté et un jour, il a réussi à se libérer et l'a égorgé alors qu'elle portait leur enfant depuis huit mois. Mon autre oncle et mon père alerté par les cris ont accouru mais sont arrivés trop tard.

Mon père n'a jamais voulu me dire ce qu'il a découvert mais je l'ai appris à son insu. Mon oncle « habité par le démon » a décapité sa femme et ils l'ont retrouvé en train de jongler avec. Ils l'ont tué et c'est là qu'ils ont tenté de sauver le bébé dans le ventre du cadavre de ma tante. Et ils ont réussi. Séléné est un miracle, elle a survécu à ce massacre mais quelques années après, elle s'est vu retiré Hélios, son frère aîné. Il s'est réveillé en pleine nuit complètement fou et a voulu étrangler l'une d'entre nous. Il a été abattu sur le champs. Séléné n'a toujours pas remonté la pente et je la comprends. C'est comme si Instinctus s'acharne à lui prendre toutes les personnes à qui elle tient et anéantie, elle a fini par ne s'attacher à personne. Elle est convaincu que ça va être son tour malgré le fait qu'on lui répète ce qu'elle sait déjà c'est à dire qu'il y a peu de risque car le virus se déclenche beaucoup plus chez les hommes que chez les femmes.

- Héméra ! S'exclame une petite voix juste derrière moi.

Je me tourne vers Moïra , ma petite sœur de cinq ans. Vous vous demandez probablement pourquoi nous avons tous des prénoms quelque peu spéciaux? Eh bien, depuis la nuit des temps, ma famille a cette « tradition » qui est de nous attribuer des prénoms issus de la mythologie grecque. Ma mère qui s'appelait Elena a décidé de changer son nom pour « Nyx » quand elle a épousé mon père Erèbe. Ils ont donné naissance à Éther, maintenant âgé de 20 ans, Moira que voici et moi, Héméra qui vient tout récemment d'avoir dix-sept ans. Mes parents ne se sont jamais retrouvés dans cette situation effroyable où ils doivent tué un de leurs enfants ou eux-même à cause d'Instinctus et j'espère que ça restera comme ça. D'après mon père, le virus se déclenche souvent entre 14 et 24 ans alors j'évite de me réjouir en pensant que nous sommes tirés d'affaire.

- Maman a dit « assez de bois » pas toute la forêt !

Je reporte mon attention sur ma sœur dont les petits bras sont chargés de bouts de bois secs. Ses cheveux blonds cendrés et extrêmement bouclés encadrent son visage rond et ses grands yeux verts me fixent. Elle est la seule ayant pris les traits de notre mère. Éther et moi avons hérité des cheveux ébènes de notre père ainsi que de son teint bronzé et ses yeux en amande.

- D'accord, je soupire, vaincu. Nous rentrons.

Je la laisse passer devant moi et nous nous faufilons entre les arbres. Nous connaissons parfaitement le chemin. La forêt amazonienne n'a presque plus de secret pour nous. Bien qu'elle soit deux fois moins grande qu'elle l'était il y a des siècles, elle n'en est pas moins dangereuse. Les animaux sont partout et nous nous sommes adaptés au climat chaud et humide tout comme à eux. Nous cohabitons ensemble comme une grande famille et nous savons où sont les limites, où dorment les plus redoutables serpents, où se trouvent les grenouilles venimeuses, où se nichent les guêpes les plus féroces. Nous avons grandi ici, c'est devenu notre milieu naturel, nous savons comment empêcher les prédateurs de s'approcher de nos cabanes, mais nous serions probablement morts si nos voisins les indiens n'avait pas aidé nos ascendants à l'époque où ils sont arrivés. Ils ont très bien accueilli la génération de mon arrière grand père, leur ont appris à chasser, à se méfier autant des grands animaux que des minuscules comme les fourmis, à se vêtir de vêtements adapté. Leur village se trouve désormais à quelques kilomètres du nôtre et parfois, nous leur rendons visite et vise-versa. Certains d'entre eux ont épousés des nôtres et sont venus ou parti habiter dans l'autre village. C'est le cas de ma tante Despina qui est totalement tombé sous le charme d'Abha qui vit maintenant avec nous. Ils ont donné naissance à quatre filles, dont Déméter qui a le même âge que moi.

Instinctus - zjmWhere stories live. Discover now