Instinctus - zjm

Onzième chapitre

Je suis couchée sur le dos. J'ai les jambes écartées. Ma vue est brouillée. Tout est sombre. J'essaie de lever ma main mais j'en suis incapable.

- Héméra, me chuchote une voix familière sur ma gauche.

Il m'est impossible de tourner la tête pour reconnaître la personne qui me parle.

- Retirez-le.
- Non, je murmure faiblement.

Je ne sais pas de quoi il s'agit mais je sais que c'est non, qu'il ne faut pas.

- C'est lui ou nous.

Je reconnais cette fois la voix de mon père et mon souffle se coupe quand deux têtes se penchent sur moi. Éther, Mère. Ma respiration s'accélère et je n'ai pas le temps de m'exprimer car une douleur fulgurante me prend au niveau du bas du ventre. Je hurle mais aucun son ne passe la barrière de mes lèvres.

- Débarrasse-la de ça, lance Mère à Père.

Ses doigts effleurent ma joue et me caressent tendrement mais je n'arrive pas à être rassuré.

- Non, sil vous plaît, je pleure.
- C'est pour le bien de tout le monde, lâche Éther en me serrant la main.
- Pousse, m'ordonne Papa mais je me retiens.

Je mords mes lèvres jusqu'au sang pour le retenir, pour qu'ils ne lui fassent pas de mal mais pourtant je le sens. Je sens qu'on me l'arrache, qu'on me détruit de l'intérieur.

- Sil vous plaît, je répète, les joues striés par les larmes.

J'essaie de me débattre mais mes jambes sont fermement retenues. Soudain, je me sens déchirée puis vide. Incomplète. Brisée. Ils me l'ont arrachés. Ils m'ont enlevé ma raison de vivre.

- Laissez-moi le voir, je gémis, le souffle court.
- C'est un monstre, déclare Père ce qui me serre le cœur. Éther apporte le couteau.
- Non !

Mon cri fait écho dans mes oreilles et pourtant personne ne m'écoute.

- Maman, ne faîtes pas ça, je cherche de l'aide de son côté cependant ses yeux verts me regardent juste.
- Nous n'avons pas le choix, dit-elle mais il n'y a pas une once de regrets dans sa voix.

J'entends un pleur et mon cœur bat si vite qu'il me fait mal. Usant de toutes mes dernières forces, je soulève la tête pour tenter de l'apercevoir mais je ne vois que le dos de mon père. Mes yeux sont aussi brouillés par les larmes et ma gorge me fait atrocement mal. Je me sens vide et je ne sens plus la partie inférieur de mon corps. Mes cuisses sont couvertes de sang mais tout ceci est à peine percevable pour moi. Je n'entends que son cri. Au plus profond de moi, je sais qu'est ce que c'est. C'est un appel à l'aide. Et je suis impuissante, clouée sur place.

- Eth, je prie en dirigeant ma main vers lui. Je t'en supplie.

Il ne m'accorde pas un regard et passe l'arme à notre créateur.

- C'est l'enfant du diable. Pour que nous vivions, il faut qu'il meure, s'exclame notre géniteur en soulevant le couteau.

Les cris s'intensifient. Les yeux exorbités, j'observe chacun de ses gestes, raide. Je veux agir, je veux me lever, je veux le sauver et tous leur faire payer. Je veux avoir la force de le protéger de tout ces gens qui lui veulent du mal. La douleur est partout, elle est si forte, elle me déchire. Je perçois les battements de son petit cœur, j'entends très distinctement ses pleurs résonner dans chaque recoin de ma tête. Il crie à plein poumon, m'appelant, me suppliant de l'aider. Et j'en suis incapable.