Chapitre Quarante

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     Emilie

Me souvenir de tout est difficile. Non que ma mémoire oublie peu à peu les tréfonds de notre histoire. Bien au contraire. Je me souviens de tout comme si cela s'était déroulé la veille. Comment aurais-je pu l'oublier aussi facilement ? Il est juste dur pour moi de me souvenir de toutes ces épreuves en sachant pertinemment que cet homme que j'ai aimé plus que quiconque n'est aujourd'hui plus de ce monde. Disparu. Il nous a quitté. Il y a de ça plusieurs années maintenant...

Cette pensée me tort le ventre. Je me contiens néanmoins de ne pas craquer à nouveau. Il ne faut pas. Ma fille m'observe. Attentivement. Ses yeux sont fixement dirigés vers moi comme si elle attendait de boire à nouveau chacun de mes mots. J'émets un faible sourire à cette constatation. Bien que nous soyons toutes deux assises ici, j'ai encore du mal à réaliser qu'elle est bel et bien de retour après tout ce temps. Son absence dans cette maison a vraiment provoqué un vide les premières semaines. Toutefois, nous avons continué à vivre. Pour elle. Pour nous. Elle est encore plus belle que la dernière fois. Je suis si fière. Parfois, je revois son père en elle. Elle ne l'admettra peut-être jamais mais ils ont bien plus de points communs qu'elle ne le pense.

Mes paupières se ferment tandis que j'essaye à nouveau de m'imprimer de chaque souvenir qui m'envahit.

     FLASH-BACK EMILIE

Un sentiment étrange pèse dans ma poitrine tandis que je me remémore notre dernière rencontre. J'ignore combien d'heures se sont écoulées. Tout cela m'a paru être une éternité à laquelle je n'échapperais jamais. L'orage a grondé pendant de longs instants et je me repliais au fur et à mesure sur moi-même. Ce n'était pas ce temps tempétueux qui m'inquiétait. Non. Cette cohésion que je possédais envers la nature m'empêchait de ressentir toute peur à son égard. Toutefois, mieux valait-il éviter de la défier. En vérité, c'était sans doute le fait de me retrouver livrée à moi-même face à cet homme qui m'inquiétait d'avantage. Pourtant, il était resté parfaitement calme, observant seulement avec précaution la pierre rouge tenue entre ses doigts. Cet objet semblait détenir bien plus de préciosité qu'elle n'en avait l'air. Il semblait presque ailleurs.

Une fois cet épisode terminé, nous nous sommes quittés sans aucun mot. Ce n'était pas indispensable de s'échanger des mots sachant que nous demeurions ennemis pour toujours. Un long regard a juste pointé le bout de son nez mais je n'ai su rester de marbre bien longtemps. Assez vite, un petit sourire malicieux a traversé rapidement ses lèvres avant qu'il ne s'élance puissamment dans les airs. Chose que je n'ai tardé à faire à mon tour. De l'air. J'avais besoin de m'aérer les idées d'urgence.

Depuis ce jour, mon esprit semble ailleurs. Mes camarades ont constaté ce détail et leur méfiance ne cesse d'augmenter. Non qu'ils ne doutent de moi. Nous ne doutons pas de l'autre dans notre peuple. Notre confiance est sans limite envers nos frères et soeurs. Ils se méfient simplement de ces Démons qui envahissent un peu trop notre terrain de recherche. On ne sait jamais à quoi s'attendre de leur part.

Assise silencieusement sur la branche d'un sapin trônant en hauteur surtout ses confrères, j'admire le paysage qui se donne à moi. J'ai l'impression que cette planète ne cessera jamais de m'hypnotiser. Nous sommes en mission. Mes camarades ne sont pas loin. Pourtant, je me décide à m'accorder une petite pause. Mon cerveau ne peut se résoudre à travailler correctement tant de pensées m'assassinent.

«Tu manques à ton devoir maintenant mon Ange ?»

«Et toi ? Tu persistes à essayer de me surprendre en arrivant en douce ? Désolé de te décevoir mais je commence à reconnaître de mieux en mieux ta présence.»

Mes yeux ne sont pas encore portés en sa direction mais je sais pertinemment qu'il sourit. De cet air malicieux et mesquin que je lui connais si bien. Les bras croisés, il observe loin devant lui avant de reposer son attention sur moi. Au même moment, je me décide à le regarder à mon tour. Une fois de plus, nos regards se croisent, s'entrechoquent. Que se passe-t-il au juste ? Ce genre de ressentiment envers mon ennemi est tout simplement impossible et inconcevable. Ressaisis-toi Emilie un peu bon sang.

Ne te brûle pas les ailesWhere stories live. Discover now