Quatorzième

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Chambre de Thaïs Xiao, Brooklyn, 10h52

"Un jour on est venus au monde, depuis on attend que le monde vienne à nous..."

Le peu d'espoir qui lui restait s'envola lorsque sa messagerie lui indiqua qu'elle avait reçut un nouveau message. Un acteur menant une vie aussi chargée que Dylan, n'aurait pas eu le temps de lui répondre aussi rapidement.
Elle baissa le volume de la musique des Casseurs Flowteurs qu'elle venait de lancer dans un autre onglet et ouvrit tout de même le mail, résignée.

Je ne suis pas Dylan O'Brien.

La phrase bien que logique vu les circonstances, lui fit l'effet d'un poignard en plein coeur. Elle sentit ses yeux la piquer et son coeur accélérer mais elle serra les dents pour contenir sa déception.

Elle avait été naïve, refusant de voir la réalité en face.
Pourtant au fond d'elle même, ça faisait longtemps qu'elle se doutait que l'acteur de lisait pas ses mails, elle voulait juste ne pas se l'avouer.

Ce travail d'écriture était presque devenu un journal intime pour elle et c'est pourquoi elle avait honte de découvrir que quelqu'un la lisait vraiment.

Je ne suis pas Dylan O'Brien.
Je ne suis pas Dylan O'Brien.
Je ne suis pas Dylan O'Brien.
Je ne suis pas Dylan O'Brien
Je ne suis pas Dylan O'Brien.
Je ne suis pas Dylan O'Brien
Je ne suis pas Dylan O'Brien.

Son cerveau la narguait et lui donnait l'impression de réciter en boucle une punition que sa maîtresse de CE1 lui aurait donnée. Tu me copieras cent fois, je ne suis pas Dylan O'Brien !

Ça y'est, elle venait à peine de commencer à lire la réponse de ce fameux Evan et elle pétait déjà un câble avec ses métaphores bidons.

Elle lut la suite et une phrase l'interpella :
J'ai 19 ans et je suis chargé de répondre aux courriers de fans dans ton genre.

"De fans dans ton genre"
Cette expression et ce ton condescendant la blessait tout particulièrement. Il minimisait l'admiration qu'elle portait à son idole en une unique sentence parfaitement ridicule.

Je te laisse mon numéro, si tu as d'autres questions ou d'autres points que tu voudrais éclaircir. Et n'hésite pas à demander de l'aide autour de toi à propos de ton mal-être.

Lorsqu'elle vit qu'il lui laissait son numéro, elle crut un instant qu'il voulait sincèrement l'aider, puis elle la suite la ramena à la réalité. Il parlait de sa presque tentative de suicide, de l'envie de mettre fin à ses jours. Ce n'était pas de la bienveillance de sa part, c'était de la culpabilité. Il voulait juste ne pas se mettre à dos la mort d'une adolescente fragile mentalement.
Elle sentit la colère reprendre le dessus.

Va te faire foutre, Evan.

Thaïs se mit à trembler.
Un cri tenta de sortir de sa gorge, en vain, alors elle envoya valser son ordinateur portable. Ses yeux brillaient d'une lumière folle.

Elle n'était pas une petit chose à protéger, elle n'avait besoin de personne. Personne.

Une unique larme roula le long de sa joue. Aussi solitaire qu'elle l'était elle-même.
Cette larme était une métaphore de sa propre vie : seule et qui tombe vers le bas avant de se crasher.

Une fois calmée, Thaïs envoya à ce fameux Evan un message. Une proposition, une énième folie de sa part.
Elle le regretta ensuite mais elle ne pouvait plus renoncer.

Ensuite, à défaut d'augmenter le volume de sa voix, elle augmenta celui de la musique qu'elle avait délaissé à la lecture du mail. Les paroles résonnaient étrangement comme le son de sa propre vie.

"À l'heure où je me couche, quand les oiseaux chantent
La voisine part au travail pendant que j'm'endors avec l'amertume et l'angoisse au ventre
La vie file moi j'en peux plus d'l'attendre
Et si à force j'restais bloqué à tout jamais entre les murs d'ma chambre
Y'a rien à comprendre quand on grandit dans un scaphandre
On s'lève, on glande, on trompe l'ennui dans une galerie marchande
Je veux plus être absent d'ma propre vie
À regarder nos petites histoires passer à côté de la grande"

Jamais Thaïs ne vit le post-scriptum que le jeune homme avait laissé dans sa dernière réponse mais aucun "désolé" n'aurait pu changer sa décision.

Dear DylanOnde histórias criam vida. Descubra agora