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Il ne me laisse pas le temps d'ouvrir la bouche et entre, me bousculant légèrement au passage. Il retire ses chaussures, sa veste bomber et sa casquette et se dirige ensuite vers mon canapé, où il s'affale  tout en lâchant un soupir.

- Salut, me lance finalement le grec en souriant largement.
- Euh, salut?

Je fronce mes sourcils et referme la porte avant de le rejoindre, restant debout face à lui.

- Je peux savoir c'que tu fous chez moi, Ken? Je pense que tu n'as pas vraiment compris ce que je t'ai dis la dernière fois.
- Et toi tu n'as pas vraiment compris que je voulais que tout redevienne comme avant, réplique le rappeur en haussant ses épaules. Alors on va passer du temps ensemble, on va recommencer à se confier l'un à l'autre et puis on mettra la première lettre du prénom de l'autre dans nos bios insta, avec un cœur, et puis-
- Ferme ta gueule, lâchais-je en roulant des yeux. T'es épuisant, mais ça t'en a déjà conscience. Je sais déjà que tu ne vas pas lâcher l'affaire de si tôt, alors j'accepte de passer du temps avec toi si tu te la boucle. Puis dans tous  les cas tu redeviendras pas mon meilleur pote, t'as craqué.

Il se contente d'hocher sa tête avant d'allumer la télé sur une chaîne de clips.

- Tu veux manger quoi? Demandais-je depuis la cuisine.
- J'ai commandé des pizzas en arrivant. Je t'ai pris une quatre fromages, comme avant.
- Essaie pas de m'amadouer avec de la bouffe, marmonnais-je en souriant malgré moi.
- J'ai pas besoin d'ça pour t'amadouer, t'inquiète.
- La ferme.

Je me laisse tomber à côté de lui sur le canapé en soupirant et étends mes jambes sur la table basse en verre. Ken augmenta le son de la télé et se leva d'un bon, un large sourire sur le visage.

- Rho, il t'arrive quoi encore?
- Regarde l'écran et tu comprendras imbécile.

Je relève mon regard vers l'écran comme demandé et tombe sur le clip Princesse du grec, qui était sorti récemment. Je crois bien que c'est la première fois qu'il passe à la télé.

- Putain c'est ma chanson préférée de ton album en plus!

Il augmente encore un peu le son et se met à rapper, faisant des gestes avec ses mains en se déplaçant dans mon salon, totalement dans son élément. Lorsque Nemir se mit à chanter le refrain, Ken m'attrape les mains et me force à me lever, avant de me faire tourner sur moi-même. Il recommence à rapper et je le suis, même si je n'ai clairement pas le même flow que lui, malheureusement. On danse, cris les paroles, sautille un peu partout. Et ça me fit tout drôle de m'amuser autant avec lui, comme si rien n'avait changé. Comme si nous étions toujours les meilleurs amis du monde et que rien ni personne ne pourrait nous séparer un jour.
Finalement, la chanson touche à sa fin pour laisser place à Hands To Myself de Selena Gomez, et malgré le fait que j'adore cette chanson, je me laisse tomber sur le canapé, épuisée et ayant clairement la flemme de chanter -ou danser, sur cette dernière.

- Désolé de te l'apprendre mais ta voix est toujours aussi moche quand tu chantes, me fit remarquer le grec en riant franchement, se laissant tomber à côté de moi.
- Va t'faire, riais-je à mon tour en lui adressant mon majeur.

Il hausse ses sourcils et se redresse légèrement, me regardant.

- Répète un peu?
- Je t'ai dis, va t'faire, répétais-je calmement, à deux doigts d'éclater de rire sans trop savoir pourquoi.

Le rappeur ne me laisse pas le temps de réagir et me saute dessus, se retrouvant au dessus de moi. Il attrape mes poignets d'une main et me les bloque au-dessus de ma tête, avant de se mettre à me chatouiller avec l'autre. Je me tortille dans tous les sens, morte de rire à en pleurer, en le suppliant d'arrêter. Mais visiblement, il est bien déterminé à me faire payer mon langage grossier envers lui.

- Excuse toi et j'arrête, me propose-t-il finalement.
- Alors là non, t'avais qu'à pas critiquer ma merveilleuse voix! Exhalais-je en riant toujours.
- Mais c'est la vérité aussi, faut que tu l'accepte meuf, grimace le faux blond avant de se remettre à me chatouiller.

Sa torture dure quelques secondes avant que je ne cède finalement.

- C'est bon j'm'excuse mais j'te promet que la prochaine fois tu t'en sortira pas comme ça, soufflais-je.
- De toute façon tu sais qu'au fond, je l'adore ta voix.

Il arrête ses chatouilles mais ne bouge pas d'un poil, son regard ne quittant pas le mien une seule seconde. Son souffle chaud s'abat contre mon visage et, malgré la baie-vitrée du balcon qui est ouverte et qui laisse le froid entrer, je me sens étouffer sous lui. J'ai chaud, alors que je ne porte qu'un short et une brassière. Je suis sans doute malade, du moins, c'est ce que je m'entête à croire. Le garçon apporte sa main à mon visage et se met à caresser ma joue avec son pouce, tout doucement, comme s'il avait peur que je m'évapore en y allant trop brusquement. Un silence reposant règne dans mon petit appartement, tandis que la musique en fond, qui n'était autre que Love Yourself de Justin Bieber, nous plonge dans notre bulle. Auparavant, il n'y avait jamais eu autant d'ambiguïté entre Ken et moi. Nous nous étions toujours considérés comme de simples meilleurs amis. Du moins, au début. Car je sais que lorsque l'adolescence est arrivée, et alors qu'il habitait à Paris, ne plus le voir autant qu'avant me déchirait. Et malgré le fait que je me voilais la face à l'époque, je savais à présent que ce n'était pas l'amitié que j'éprouvais à son égard qui me faisait tant souffrir. C'était un sentiment beaucoup plus fort que cela, qui m'effrayait plus que tout. Puis, j'avais fini par rencontrer Naïm et je m'étais persuadée que c'était de lui, dont j'étais amoureuse. Et j'avais fini par croire à mes propres mensonges.

- T'es belle, Anthéa, souffle-t-il tout bas, me tirant de mes pensées.

Je lui souris timidement en retour et le laisse faire lorsqu'il approche son visage du mien. Je suis certaine qu'il peut entendre mon cœur, qui bat rapidement et fortement contre mon myocarde, et qui résonne dans mes tympans comme une musique au volume bien trop élevé. Ce rapprochement soudain me retourne le ventre, mais ce n'est pas douloureux. Bien au contraire.

Mais la sonnette, annonçant l'arrivée des pizzas, brise ce moment. Et c'est peut-être mieux ainsi.

Amitié Destructrice. ksWhere stories live. Discover now