La Fille Gelée et la Face Cachée

Vengeance

        Aïkida était à genoux entre les tombes de ses parents. Assise sur ses talons, mains posées au sol, la tête penchée, elle pleurait. Elle pleurait ses parents, elle pleurait les mensonges, elle pleurait la vérité et elle pleurait sa sœur disparue. Ses bras tremblants secouaient ses épaules de spasmes alors que ses cheveux cachaient son visage couvert de larmes. Un simple passant penserait qu'elle se recueillait sereinement, personne ne se doutait de son état. Mais elle en avait besoin.

        Elle savait que pleurer libérait le cœur et l'esprit. Une fois qu'elle aurait fait son deuil, elle redeviendrait forte et puissante, prête à tout pour faire honneur à ses défunts parents. Elle se relèverait fièrement et serait digne de leur mémoire. Mais d'abord elle devait pleurer.

        Sous la lumière lunatique que dégageait le ciel, accompagnée de la chaleur de son dragon, Aïkida releva finalement la tête. D'un revers de poignet, elle essuya les larmes qui ruisselaient sur son visage et ses yeux redevinrent sereins. De sa grâce féline, la jeune fille leva délicatement sa main droite alors qu'une douce sensation longeait ses veines. Un agréable picotement vint titiller ses bouts de doigts alors qu'une dernière larme vint s'écraser dans sa paume de main que la jeune fille vint délicatement recouvrir de ses doigts. La Fille Gelée ferma alors les yeux et calma sa respiration.

        Lorsque qu'elle rouvrit les paupières, ses iris violets fixaient les tombes de ses parents. Une douce lumière bleutée s'échappait entre ses doigts, et lorsqu'elle les desserra, la larme s'était cristallisée en une magnifique goutte gelée. Aïkida souffla doucement sur sa création de glace et un superbe jet de magie blanche jaillit de la larme. La jeune fille posa cette dernière sur le sol et se concentra ensuite sur les flocons qui virevoltaient au gré de la brise nocturne. De souples mouvements de mains, elle les solidifia un par un et bâtit une superbe arche de glace entre les deux tombes parentales.

        Dans ce paysage baigné de nuances de gris, scintillait cette arche de magie aux reflets lunaires. Aïkida fit danser ses doigts devant cet hommage et un superbe rosier gelé se mit à ramper autour de l'arche de glace pour qu'une dernière tige pende gracieusement en son milieu. Le bourgeon se mit à fleurir en une magnifique rose rouge. La glace avait pris une teinte de sang pour symboliser cet amour éternellement conservé qui régnait dans cette famille détruite par la mort.

        Aïkida se releva, un poids en moins sur les épaules. Elle connaissait la vérité désormais, et elle avait pu rendre un hommage digne de ses parents. La jeune fille inspira l'air frais de la nuit alors qu'elle observait son œuvre avec sérénité.

— Tes parents seraient fiers de toi Aïkida.

— Je l'espère Athkor.

— Tu leur a rendu un magnifique hommage.

— Ils me manquent tellement...

— Je sais Kida... Je sais...

        

        Cela faisait plusieurs minutes qu'elle déambulait entre les dizaines de centaines de tombes de Combattants, regardant les épitaphes, le cœur serré. Plus tard, lorsqu'elle s'apprêtait à traverser une autre partie du bois pour retourner au château, elle aperçut un chemin qui partait perpendiculairement à sa direction. Attisée par la curiosité et n'ayant rien d'important à faire, la jeune fille s'y engagea.

        Les bois étaient calmes et apaisants tandis qu'elle avançait sans trop de difficulté. Au bout de quelques minutes, elle arriva finalement sur une clairière assez grande et dégagée. Six tombes gisaient là. Elles étaient immenses, et au milieu d'elles, se dressait une magnifique statue de dragon. Crachant de grandes flammes, ailes déployée, mâchoires puissantes et écailles luisantes, la bête légendaire était représentée sous sa forme la plus majestueuse.