La Fille Gelée et la Face Cachée

Emelï

        Le jeune brun relâcha les poignets de la Fille Gelée et détourna son regard brûlant vers le feu. Aïkida, quant à elle, se contenta d'adresser un sourire déconcerté vers Alex qui revenait à cheval. Derrière lui, se déplaçait le cerf mort, en lévitation quelques centimètres au-dessus du sol.

        Malgré le temps passé en compagnie des dragonniers, et le temps que la jeune fille avait passé à s'exercer à la magie, cette dernière la surprenait toujours. D'autant plus qu'elle ne s'était pas remise de la panique qu'elle avait ressenti en voyant la jambe de Tarek s'enflammer, et de l'incompréhension totale qui l'avait submergée lorsqu'elle avait regardé ses deux amis.

        Tentant toujours de comprendre la situation, elle tourna alors ses yeux perdus vers Leeroy, mais celui-ci évita son regard et se leva pour se concentrer sur le gibier.

— Manifestement, ils ne veulent pas qu'Alex soit au courant de ce qu'il vient de se produire. Attend un peu avant de demander plus d'informations, conseilla Athkor.

— Ils ne lui font pas confiance. Mais enfin qu'est-ce que tout cela signifie ?! Tarek a pris feu sous nos yeux ! Et vu la réaction qu'a eu Leeroy au début, cela ne venait certainement pas de lui !

Le dragon gronda doucement, tentant d'apaiser sa jeune femme dragonnier, tout proposant une hypothèse :

— Malgré la mort de Brusanth, Tarek n'a pas perdu toutes ses capacités magiques, même si elles ne sont plus que très faibles. Il a pu se soigner seul, ce qui est cependant contradictoire, puisque la plaie était très sérieuse, et que la production de flamme demande beaucoup d'énergie. Peut-être qu'il lui reste plus de magie qu'il ne veut bien l'admettre.

Soupirant, Aïkida acquiesça :

— Tu as peut-être raison. Mais toute cette histoire reste bizarre. Je les questionnerai dès que je pourrai.

Le regard perdu dans les flammes, la jeune fille entendait les crissements des lames de couteaux contre l'animal mort. Alex et Leeroy s'occupaient de découper le cerf.

        Une bonne heure plus tard, lorsque leur repas fut terminé, que les discussions commencèrent à se calmer, et que les tons se firent plus bas, Aïkida demanda :

— Vous pensez que les elfes et Suron sont arrivés ?

Tous les quatre autour du feu, repus et fatigués, les combattants commençaient à sentir le sommeil gagner leurs esprits. Les flammes dansaient dans l'obscurité, faisant valser avec elles les ombres des arbres non loin de là, tandis que la fumée claire s'élevait dans le ciel noir qui les enveloppait. Les nuages blancs créés par la parole des jeunes gens se mêlaient à cette fumée et se volatilisaient dans l'hiver. La lune quant à elle, gardait un œil mi-clos sur la petite troupe, les couvant d'une douce luminosité.

        Les crépitements du feu, ajoutés aux bruits des insectes et animaux nocturnes, plongeaient les combattants dans une atmosphère étrange, à la fois apaisante et inquiétante. Athkor et Luaj, eux, s'étaient endormis depuis quelques temps, entourant les quatre aventuriers de leurs immenses corps recouverts d'écailles aussi tranchantes que des couteaux.

— Si mes calculs sont bons, ils devraient arriver dans deux jours, dans la matinée, estima Leeroy.

— Je n'arrive pas à croire qu'Athkor ait pu parcourir cette distance en moins de huit heures alors qu'à cheval, il faut plus de quatre jour...

Le dragon noir s'étant endormi, ne put entendre le compliment de sa jeune femme dragonnier.

— Athkor était en situation d'urgence, il a volé plus vite qu'habituellement pour te ramener a château, expliqua le jeune blond. Ensuite, les elfes ne sont pas pressés de rentrer chez eux, ils ont un rythme de voyage assez reposant. L'écart est certes immense, mais pas irréel.