Une sombre nuit

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— Mais pourquoi vouloir s'en prendre à Emelï, à Aïkida ? C'est une trop grosse coïncidence pour que celui qui ait enlevé la petite ne soit pas le même qui cherche Aïkida et Conrad, donc il n'y a bel et bien qu'un seul responsable. Quel est son lien ? Quel est son but ?

Les yeux dans le vide, les deux combattant n'obtinrent que le silence de la nuit comme réponse.


         Si Aïkida s'était endormie rapidement, son sommeil ne fut que de courte durée. Elle tournait et virait sur les peaux de bêtes qui lui grattaient la joue, alors que le froid pénétrait peu à peu dans son corps. Fatiguée de ne pas réussir à se rendormir, elle ouvrit définitivement les yeux et se redressa, ce qui lui valut un regard interrogateur de Tarek qui montait la garde sur leur petit camp. Hormis lui, tout le monde dormait, y compris les deux dragons, fatigués par le voyage.

— Sommeil difficile ? questionna le brun à voix basse.

Mais la jeune femme se contenta de lui répondre par un hochement de tête avant d'annoncer :

— Je vais faire un tour.

Ce qui fut immédiatement accueilli par un regard sévère de la part du dragonnier qui refusa catégoriquement :

— Pas question. Tu ne bouges pas d'ici. Je ne peux pas te surveiller toi et Conrad si tu t'en vas faire une promenade nocturne.

Ses yeux émeraude paraissaient sombres à la lumière du feu qui commençait à s'essouffler.

— Je n'en n'ai pas pour longtemps, et tu ne peux pas me suivre pour ce que je vais faire.

Elle perçut alors un instant d'hésitation dans le regard de son ami lorsqu'il demanda d'une voix agacée :

— Ça ne peut vraiment pas attendre le matin ?

Aïkida leva les yeux au ciel et répliqua :

— J'ai passé l'âge Tarek.

Le dragonnier soupira, les mâchoires serrées.

— Ne t'éloigne pas, et reste à portée de voix.

Il marqua une courte pause avant d'ajouter :

— S'il y a quoi que ce soit, tu cries.

La Fille Gelée hocha la tête et disparut rapidement dans l'obscurité pesante des bois.

        Elle marcha environ cinq minutes dans le noir, appréciant ses facultés de vision nocturne alors qu'elle savourait la fraîcheur de la nuit malgré ses grelottements. Il était vrai que cette nuit-là, toute vie semblait avoir déserté la forêt. Il n'y avait pas âme qui vive, pas un son, pas un seul hululement. Ce silence devenait oppressant. Aïkida se mit alors à siffler pour se rassurer quelques peu et combler le vide sonore qui l'entourait.

        La mélodie était triste, déchirante. C'était une complainte à sa famille détruite, un hommage aux temps perdus, un chagrin mis en chanson. Au fur et à mesure que la jeune femme marchait, ses sifflements s'étaient peu à peu transformés en fredonnements, bien qu'elle gardât la bouche fermée, ressentant les faibles vibrations sonores contre son palais. Cette mélodie sombre, cette marche solitaire, cette obscurité, le tout peignait un tableau tragique, noir et déchirant.

        Mais alors que la jeune femme considérait s'être assez éloignée, un bruit retentit derrière elle, la faisant sursauter. Elle se retourna d'un mouvement vif, portant la main à sa ceinture. La jeune femme se félicita alors d'avoir gardé deux de ses couteaux sur elle. En dégainant un, elle scruta les alentours, tous ses sens en alerte alors que les battements de son cœur avaient remplacé ses fredonnements.

La Fille Gelée et la Face CachéeWhere stories live. Discover now