Eva le Chaffoin

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Foutue chanson de publicité !

Trouve autre chose !

T'es drôle, toi !

Fais voir, ça ?

Non, pas ça !

Colère arrache de justesse des mains de Bêtise le vinyle des plus grands classiques Disney. Elle nous sauve par la même occasion d'un ours un peu trop heureux à son goût.

Et re-merde...

J'ai essayé de lutter, deux secondes, sauf que maintenant, je dois m'en débarrasser avec une autre chanson. Je m'éclate le gant de toilette plein d'eau sur le visage pour me punir. Je cherche à m'étouffer avec aussi en voyant les Douze chantonner au bord de la rupture d'anévrisme. Heureusement pour moi, je l'oubli et souris toute seule quand j'entends trifouiller dans les tiroirs. Ils se claquent tout aussi vite. Eva a toujours été plus nerveuse que moi. Je suis la force tranquille et elle est la force sauvage selon mon père. Elle est bien plus extravertie et plus directe que mes Douze. Son franc parlé peut scotcher n'importe qui. Ça m'amuse un peu, je la connais par cœur. On se dit tout. D'ailleurs...

Elle ne nous a pas dit où elle voulait que l'on passe la soirée.

— Où est-ce que l'on va ?

— Danser ! Bouger ton cul ne te fera pas de mal !

Je grimace, ça fait un moment que je ne suis pas allée en discothèque. Le côté sardines en boite, la chaleur mêlée à l'odeur de sueur, on n'y voit rien et on en prend plein les oreilles ne m'attire pas du tout. Je n'ai pas envie, mais Eva a raison, je devrais sortir. Ça m'aidera peut-être à chasser cette humeur qui me colle au corps.

Pff...

Oui, compte là-dessus...

Ma sœur sort de la salle de bain et j'en reviens à mes occupations, me demandant un peu gênée si je ne devrais pas me raser une autre partie plus intime de mon corps.

Emma... ça craint...

C'est un peu la mangrove là...

Je soupire et abdique. Quand je retourne dans ma chambre, Eva a posé sur le lit une robe arrivant à mi-cuisse avec de petites manches. Elle a choisi la noire avec un super décolleté très plongeant.

Non, mais elle déconne là, sérieux !

J'avais complètement oublié cette robe...

Elle farfouille dans mes placards et en retire une paire de talons hauts tout aussi sombres. Mais genre très hauts, au moins dix centimètres.

Vous aussi, je vous avais oublié...

— Allez, habille-toi !

— Ouais, enfin, bon, ça fait un peu... gros bout de viande là, tu ne trouves pas ?

Elle écarquille les yeux et se met à rire.

— Et alors ? Ça ne fait pas de mal de se pavaner de temps en temps !

Euh... tu crois vraiment à sa connerie, là ?

Je me mords l'intérieur de la joue pour ne pas répondre. Me battre avec elle ? Non merci. Alors j'acquiesce, m'habille, ignore les onze qui me fixent perplexes et Cynique qui est prise d'un fou rire. Elles ont de quoi être surprises. Ces derniers temps, je suis abonnée aux jeans et aux débardeurs. Tout ça, c'est de la faute de Tristesse et de Colère. Elles ont voté il n'y a pas longtemps et Sexy s'est fait battre à plate couture.

Le vote est un bon moyen de me décider. Si je suis confuse, je propose cette alternative et elles m'affichent chacune une petite pancarte avec un « oui » ou un « non ».

Enfin...

Ma tête délire avec ce système, mais je trouve ça drôle. Je les imagine bien en réunion de crise... Quoi qu'il en soit, je les laisse s'exprimer et j'ai le dernier mot. Comme quoi, il existe même une démocratie dans mon joyeux bordel.

Bon... est-ce que ça vaut un vote, là ?

Non... allez, maquille-toi.

J'écoute Justice, me retourne vers ma coiffeuse et me prépare. Je rejoins Eva dans la cuisine quelques minutes plus tard, elle est sur son téléphone et son nouveau jeu débile. Je ne comprends pas comment, elle arrive à passer des heures sur un tout petit écran. Elle lève les yeux dans ma direction et me sourit.

— Alors, prête ?

— Mouais...

— Roh ! Ne fais pas la tête !

Ouais... t'as vu ta tronche ?

Quelle tronche ! Je suis bien maquillée...

Ouais, ouais, si tu le dis...

Fais chier !

Je vérifie brièvement dans la porte vitrée de la cuisine mon maquillage. Tout est en ordre. Je soupire et Eva se moque de mon délire. Enfin, je crois ? Je me doute qu'elle est toute excitée de sortir avec moi. Dans sa petite robe blanche, elle est jolie et pas trop sexy, ce qui a tendance à me rassurer.

Elle lui va bien.

Ses cheveux bruns sont bouclés et son teint bronzé. Elle a toujours eu la peau plus ambré que la mienne. Elle a pris les origines de ma mère. De mon côté, je ressemble à mon père, la peau moins caramel, mais les traits du visage plus fin. Tout est affriolant chez elle. Nous partageons la même teinte de cheveux ainsi que nos yeux bruns ; les siens sont pourtant plus prononcés. Elle a aussi une plus grande bouche, autant au sens figuré qu'au propre. Ses lèvres sont plus pulpeuses que les miennes. Ses orteils aussi sont plus gros, je les appelle d'ailleurs ses saucisses mal découpées.

Mon rictus s'immisce tout seul sur mes lèvres à cette pensée, parce que ce qu'il y a d'énorme et difforme après ses saucisses, c'est son pif. Je pouffe dans mon coin lorsqu'il me vient comme d'habitude tout un tas de mauvaises blagues en tête. Nos cinq ans d'écart ne se remarquent même plus. Un inconnu ne pourrait pas deviner qui est l'ainée des deux.

— Quoi ! Tu veux ma photo ?

Elle me toise, mauvaise.

— Ouais ! Comme ça je jouerai aux fléchettes à mes heures perdues !

Nous éclatons de rire. C'est tout nous ça : on s'insulte pour tout et pour rien. On peut passer des heures complètes à rire et à se foutre sur la tronche.

Elle m'a manqué...

— Ouais ! Super ! Bon... t'as fini ? On peut manger quelque chose ?

Je grimace, j'ai perdu l'appétit. Feue Gourmande nous a quitté le jour où la boule dans la gorge est apparue.

— Je n'ai pas faim.

— Oh, non ! Ne commence pas ! Je suis affamée, moi !

— Ok, ok, qu'est-ce que tu veux manger ?

Elle me lance son sourire fétiche et je ricane avant même de savoir ce qu'elle va me répondre. Ce n'est pas pour rien que je l'appelle le Chafouin et là, elle me prouve une fois encore que ce surnom lui va à ravir.

— Japonais ?

— Ok... on commande ou tu veux te déplacer ?

— On commande ! Je veux passer ce fichu niveau sur mon IPhone.

— Ouais, bien sûr ! Sinon au restaurant ça t'aurait bien emmerdé de ne pas jouer, hein ?

Elle me sourit à nouveau de toutes ses dents et j'éclate de rire. Ça voulait juste dire « oui, voilà, tu as tout compris ». Je secoue encore la tête, dépitée par notre connexion, quand je cherche le numéro du japonais proche de chez nous. Ma petite sœur semble un peu tarée avec son air niais, mais, bon sang ! Ce que j'aime sa compagnie.

Eva le Chafouin...

Ouais... mais non ! [TOME 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant