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Lundi 28 Mars 2011

Une date insignifiante pour beaucoup. Sauf pour moi. Premier jour au studio Twin. Petite nuit. Grosse angoisse. Enorme suçon dans le creux du cou.

Il devait être onze heures passées, samedi soir, quand nous venions de terminer notre quatrième round. Alors que je me suis levée, chancelante, pour aller nous chercher deux canettes de bière, histoire de s'hydrater, son téléphone a sonné. Il a répondu. Je n'entendais pas tout, j'étais en train de me battre avec l'emballage du pack dans le frigo. Et me battre pour ne pas me jeter sur les restes de tiramisu, préparé par ma mère dans l'après-midi.

Finalement, mon index a délibérément plongé dans le plat, raclé le dessus, avant de finir dans ma bouche, sucé, léché et ressorti propre. Quand j'ai songé réitérer mon geste, j'ai entendu Ken beugler :

- Putain, les gars, sérieux ?

- ...

- Ouais, je suis chez... J'arrive !

- ...

- Vous aviez pas qu'à faire les beaux, j'arrive j'te dis.

Le ton de sa voix trahissait son agacement de devoir couper court à sa parenthèse enchantée avec moi (oui mes chevilles vont bien, merci), mais aussi qu'il soit grave vénère avec des gars qui ont voulu faire les beaux. Il s'est rhabillé, sans un mot, en quatrième vitesse, avant de filer, toujours sans un mot.

C'était pas plus mal ; les parents sont rentrés vingt minutes plus tard.

J'ai dû attendre hier soir, quand j'étais en train de bouquiner dans le salon avec mes parents, avec les restes des sushis sur la table basse, que monsieur daigne vaguement m'expliquer ce qu'il s'est passé la veille.

J'ai vu son nom s'afficher sur l'écran de mon téléphone, alors que je m'apprêtais à gober tout cru un rolls au poulet. Ma mère a tenté de décrypter depuis sa place le nom en gras, en train de vibrer sur l'écran. Sans succès. Mais ma rate de frangine s'est chargé de lui donner la réponse. « Son mec, pardi ».

- Ouais ? j'ai dit, un peu sur mes gardes, venue me planquer des oreilles indiscrètes dans le couloir.

- Ambre, c'est moi.

- Je m'en doutais, on est en 2011, les noms s'affichent.

Je pensais qu'il allait rire de ma phrase, petite référence à la sienne, identique, quatre jours avant. Mais il a soupiré. Je l'ai donc invité à continuer.

- Désolé pour hier, j'ai eu... une urgence à traiter.

- Ça, j'avais compris merci. Mais quel genre d'urgence, j'ai osé demandé, curieuse.

Quel genre d'urgence qui a nécessité de me laisser en plan. Comme une vulgaire poulette dont il aurait voulu se débarrasser après l'avoir déplumée ?

- Doum's, Framal, une bouteille de Jack, des fomblards qui ont voulu se péta, des michetonnes au milieu. La routine quoi.

- Ça s'est terminé comment ?

- En gardav' pour mes deux gus.

J'ai eu envie de rire, lever les yeux au ciel, mais je n'ai rien fait de tout ça. Je me suis simplement enquise alors de leur état.

- Je suis avec eux, là. Ils viennent de sortir. On est posés chez Doum's.

- Ils vont bien ?

- Oui, Ambre, ils vont bien. C'est pas des gonzesses. Par contre, si tu veux savoir comment vont les autres connards, je pense qu'ils doivent appeler leur mère aujourd'hui.

De Rock et de FeuWhere stories live. Discover now