Chapitre 7 - Piotr

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Piotr arborait probablement un teint si pâle que Vicky posa une main rassurante sur son bras.

–– Hé mec, ça va ? Tu veux un verre d'eau ?

Le jeune garçon secoua la tête, encore choqué par les propos de son amie. Mais avant qu'il puisse ajouter quoi que ce soit, son père surgit dans l'encadrement de la porte, un immense plateau dans les mains, sur lequel s'élevait l'arôme alléchant de la noix de coco et du fromage frais.

–– Le syrniki est prêt ! clama-t-il, un large sourire aux lèvres. J'ai fait ton parfum préféré.

Le tablier blanc tacheté de graisse et la toque rudimentaire de son père, ainsi que ses maniques rose bonbon auraient habituellement fait rire Piotr, mais cette fois-ci, il se contenta de sourire de manière forcée. D'ailleurs, Vicky, constatant sa détresse, s'empressa de répondre à sa place. Elle bondit du canapé et tendit les mains pour recueillir le plateau.

–– Merci beaucoup monsieur Lesinski, on va se régaler !

–– Pas touche Vicky, c'est brûlant, la prévint-il sur un ton sévère mais empli de tendresse. Je vous dépose ça là.

La passion de Vlad, le père de Piotr, se reflétait sur son physique : d'un embonpoint marqué, il représentait à lui tout seul les clichés du chef parisien appréciant la bonne chère et arborant une face rougie par la trop grande consommation de viande. Son fils avait d'ailleurs hérité de son enveloppement et de sa bonhomie. Il s'approcha de la table basse et glissa le plateau vers son fils et son amie, avant de leur adresser un clin d'oeil.

–– Bon appétit !

Et il disparut du salon pour retrouver sa cuisine et ses mots fléchés. Vicky eut un sourire pour le vide.

–– Ton père est vraiment un type génial.

Percevant que Piotr ne réagissait pas, elle lui asséna une gentille tape sur la joue.

–– Hé !

Le jeune garçon la considéra soudain froidement. Si froidement, qu'elle recula presque instinctivement.

–– Tu te rends compte de ce que tu as fait ? Ou plutôt, n'a pas fait ?

–– De quoi tu parles ? s'offusqua Vicky.

Piotr se renfrogna.

–– Tu as trouvé une tête de cheval en putréfaction et tu n'as même pas été voir les flics ?

–– Les flics s'en foutent de ça, qu'est-ce que tu crois ? rétorqua Vicky, tout en se servant une part de syrniki. Tu veux un morceau ?

Il secoua la tête, le visage empourpré de colère. Depuis un an qu'ils se connaissaient, il n'avait jamais été aussi furibond à son encontre.

–– Tu aurais dû prévenir quelqu'un, au moins ! Mettre un adulte au courant ! C'est grave ce que tu as trouvé ! éructa-t-il tout en se contrôlant afin d'éviter que son père surprenne la conversation.

–– Piotr, si j'avais mis des gens au courant, ils auraient su qu'on se trouvait dans un périmètre interdit. Au mieux personne ne nous aurait écouté, et au pire on aurait reçu la monnaie de notre pièce. Tu avais vraiment envie qu'on ait des problèmes ?

–– Que TU aies des problèmes ! Tu aurais dû garder ça pour toi, j'ai rien à voir avec ça. C'était ton idée d'aller explorer les fondations !

–– Ah bon, maintenant tu me demandes de garder ça pour moi ? s'offusqua Vicky, piquée à vif.

–– J'ai pas dit ça !

NagovorWhere stories live. Discover now