Chapitre 6

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Lachlan arbore un air satisfait tandis qu'il range les contrats signés.

— Bienvenue à bord, mademoiselle Duval.

Je n'arrive pas à croire ce que je viens de faire. Ai-je vraiment pris une décision si importante pour faire payer un père qui n'est même plus de ce monde, à la manière d'une adolescente rebelle ?

— Evy fait partie de l'équipe de jour, m'annonce l'Irlandais. Elle est restée un peu plus longtemps pour vous faire visiter nos locaux.

J'acquiesce, encore fébrile, bien que je tente de n'en rien laisser paraître. Lachlan sourit et m'invite à sortir de son bureau par une seconde porte, plus discrète, qu'il ouvre pour moi.

Les néons des vestiaires me piquent les yeux et je dois ciller à de multiples reprises pour m'adapter à la luminosité. Trois murs sur quatre sont couverts de casiers métalliques, mais la plupart sont ouverts et vides. Le sol est carrelé et un peu glissant. Une légère vapeur réchauffe l'endroit : des douches sont attenantes à la pièce.

Une jeune femme en sort justement, les cheveux humides et les traits tirés. Blonde aux yeux noisette, elle arbore des plaques rouges sur son cou et sur ses joues. Elle m'arrive à l'épaule, bien que je ne sois moi-même pas très grande.

Elle pose sa trousse de toilette sur le banc central puis roule sa serviette avant de me tendre la main. Je m'en saisis à contrecœur : sa paume est encore moite après sa douche. Ses traits sont sévères et peu engageants.

— Evy, je vous présente Phèdre Duval. Phèdre, voici Evy. Elle travaille ici depuis plusieurs années et saura donc vous présenter votre nouvel emploi à la perfection.

— Ed', corrigé-je avec douceur. Pas Phèdre. Ravie de vous rencontrer, Evy.

Ma nouvelle collègue se contente d'un mouvement du menton pour me répondre. La visite risque d'être longue... Evy semble me mépriser et n'avoir aucune envie de s'occuper de moi.

— Très bien, je laisse notre nouvelle recrue à vos bons soins, Evy, lance mon nouveau patron. Vous me remettrez ses réponses au test d'hygiène et de sécurité avant de partir ?

— Oui, bien sûr.

Lachlan pose une main sur mon épaule.

— Je vous vois demain ? s'enquiert-il.

— Sans faute.

— Parfait.

Il me décoche un clin d'œil puis quitte les lieux, me laissant seule dans les vestiaires avec une femme qui préférerait sans doute me tordre le cou plutôt que de m'apprendre son métier. Est-ce ma tête qui lui déplaît à ce point ?

— Alors ? lâche-t-elle soudain. Tu es une « un-jour » ou une « dix-jours » ?

— Pardon ?

Evy met les poings sur les hanches et me toise d'un œil noir.

— Je voudrais savoir combien de temps tu comptes rester bosser ici, histoire que je ne me décarcasse pas pour rien. Si tu restes un jour, je me contente de te montrer où se trouve le coin « pause-clope ». Si c'est dix jours, je t'enseigne les bases sans me fouler.

— Je n'ai pas l'intention de démissionner ni de me faire virer.

— C'est ce qu'ils disent tous. Et ils ne tiennent jamais plus d'une semaine. Ces gosses de riches n'ont jamais mis la main à la pâte ; ce qu'ils veulent, c'est faire la fête, tirer des Écossaises et faire mine de suivre leurs cours. En repartant, ils sont incapables de tenir une conversation en anglais.

— Ai-je vraiment l'air d'une fêtarde ? Ou d'une fille facile ? Et je parle déjà anglais, vous pouvez le constater. Tout de même, dix jours, ça ne fait pas beaucoup... Pourquoi tenaient-ils si peu de temps ?

— Ils ne respectaient pas les règles..., murmure Evy. Et ici, quand on ne respecte pas les règles, on en paie le prix.

Je frissonne à cette menace implicite. Ma nouvelle collègue me détaille de haut en bas, mais je ne la sens pas convaincue.

— Si tu les respectes, tout devrait bien se passer, admet-elle enfin.

Elle renifle avec dédain.

— On va commencer par la base : je vais te faire remplir le questionnaire d'hygiène, de sécurité et de santé. Ensuite, on verra pour le reste.

Je m'y applique de bonne grâce sur le banc humide, dans l'atmosphère lourde des vestiaires. Evy m'explique chaque point et m'enseigne la réglementation. Je ne peux pas nier qu'elle est très pédagogue et d'une grande patience. Une fois que nous en avons terminé, elle s'éclipse quelques instants pour déposer le questionnaire dans le bureau de Lachlan. Lorsqu'elle revient, elle s'installe de nouveau sur le banc, à mon plus grand désarroi. Un peu d'air frais me ferait du bien.

— Toi, tu fais partie de l'équipe de nuit, me dit-elle. C'est le moins glamour. Le jour, je me contente de ranger, dépoussiérer et nettoyer. Toi, tu vas devoir trimer en permanence et courir après le temps. En gros, ton job, c'est de nettoyer la merde fraîche de nos clients. Tu vas repasser dix fois dans le même couloir, récurer les chiottes vingt fois dans la nuit s'il le faut, passer la serpillière sur le vomi de la jolie nana qui fête son enterrement de vie de jeune fille... Bref, garder le club propre et étincelant, même s'il est bondé. Tu vas surveiller les recoins, attendre que les clients se barrent avant de te ramener avec ton balai et de nettoyer derrière eux. L'Unicorn doit être impeccable en permanence.

Elle lève un doigt, très sérieuse.

— Mais attention ! Tu ne devras jamais pénétrer dans l'aile Ouest.

— C'est là que se trouve le salon VVIP, c'est ça ?

— Oui, et tu ne veux pas rencontrer ceux qui le fréquentent... L'Ogre, par exemple.

[Sous contrat d'édition] Les MacCoy, l'Ogre et le ChardonDonde viven las historias. Descúbrelo ahora