Chapitre 33 - Pdv Ellie Samuel -

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Je comptais les secondes. Enfin, j'avais entrepris de le faire, mais j'avais perdu le fil depuis de longues minutes déjà. De toute manière, je doutais que le temps ait réellement une emprise sur cet endroit maudit. Des cliquetis troublaient le silence par intermittence, ce même calme qui bourdonnait à mes tympans et me laissait pêle-mêle au bord de la folie.

Voir personne me donnait l'impression d'être déjà morte. C'était une idée insupportable à laquelle je ne cessais de songer. Je n'étais pas prête à quitter cette Terre, j'avais encore la vie devant moi, une vie belle et chaleureuse, bordée d'amour et de bons moments passés en la compagnie des mes parents, de mon père, rayonnant de bonheur, et de ma mère, bien vivante à son bras... Je voulais refaire ma vie, effacer ces dix-sept dernières années et laisser au passé tout ce baratin absurde de Pacte et d'alliances. La paix pouvait bien attendre, la guerre aussi, j'avais une existence à reprendre de zéro.

Tu es dans un sacré déni !

-La ferme, je vais parfaitement bien, tout est parfait !

L'ironie et le sarcasme dont je faisais preuve depuis quelques temps commençaient à perdre en efficacité, la réalité se faisait violence et les événements de ces derniers temps me percutaient de plein fouet.

Je n'avais aucune envie de penser à autre chose qu'au passé et au futur que j'ai laissé couler entre mes doigts. J'aurai dû rester à New York, ne jamais débarquer ici, rester ignorante, ne rien savoir des Senshis et de toute cette histoire. Peut-être serais-je morte dans un incendie, comme Yuki et les autres qui avaient pris la peine d'entrer dans ma vie. Yoichi Kondo avait eu raison de me haïr, après tout, les gens qui m'entouraient décédaient tous prématurément.

Jamais tu ne mets ta cervelle en veilleuse ?! Dors un peu, tu as besoin de répit !

Comme j'aurais aimé pouvoir fermer lil... mais à chaque fois, des images revenaient, plus vraisemblables que n'importe quel film, les odeurs putrides de la chair, la douleur des nerfs qui cèdes sous le métal, le rictus méprisant, le sang qui coule, le cuir, l'obscurité...

J'ai reniflé, Oh comme j'aurais supplié la Lune pour une courte trêve ! Comme j'aurais pu tuer pour une poignée de secondes de tranquillité... Comme j'aurais pu ronger ma chaîne dans l'espoir le plus vain de sortir d'ici.

Mais j'étais épuisée, et malgré la peur qui me nouait l'estomac, j'attendais la mort, une mort lente et douloureuse, avec la plus calme des sérénités.

La vérité était inavouable, la vérité était que j'avais laissé la désillusion faire son nid dans le creux de mes bras et que désormais, quoi que l'avenir puisse me réserver, je n'attendais plus rien de la vie. Je me savais vouée à disparaître dans ce lieu humide et cauchemardesque, dans cet entrepôt insalubre où pullulait la vermine. Je n'étais absolument pas prête pour le clap de fin, mais il allait bien falloir que quelqu'un meurt dans cet épisode. Et pour l'instant, sauf erreur de ma part, je faisais la candidate idéale.

Le sol me gelait la peau. Pour économiser mon énergie, je m'étais plongée dans le noir. Je soupçonnais ma chair de devenir bleue au contact du béton glacé. Après tout, ne disait-on pas que le froid était un anesthésiant redoutable ?

Je ne sentais plus rien, mes blessures dues au tisonnier avaient totalement disparu, chose que je regrettais presque à présent, comme s'il me fallait une preuve que toute cette horreur ait réellement eu lieue. Même chose pour mes ongles, ils avaient repris leur longueur d'antan et paraissaient plus fort que jamais.

C'était comme si rien ne s'était produit.

Ni Bianca, ni Kol, ni ce mystérieux homme encapuchonné n'a fait acte de présence depuis la scène du fer chauffé à blanc. Je me demandais si cela ne soulevait pas quelques questions, leurs intentions de départ m'avaient pourtant paru claires, ils voulaient me voir six pieds sous terre. Alors pourquoi attendre ? À cette inlassable question, la Voix répondait qu'ils souhaitaient me voir mourir de faim. Ce qui était une supposition probable quand on savait que personne ne m'avait amené de repas depuis ce qui semblait être deux jours. Quant à mon hypothèse, je penchais pour un abandon des lieux. En effet, il n'y avait pas eu un bruit à partir de l'instant où Kol m'avait rattaché à ma laisse. J'étais condamnée, et quoi de mieux que la famine pour tuer un homme ? L'éternité n'en paraîtrait que plus longue...

Âme d'Argent : L'Orpheline Où les histoires vivent. Découvrez maintenant