Chapitre XVI : « JUSTIN! »

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– On va dormir? propose Isaac, affalé sur le canapé en bâillant.

Justin et moi ne nous sommes plus parlés de la journée, après notre petite discussion il est parti au ciné avec Shelly et, à mon grand bonheur, est rentré sans elle.
Je prie pour qu'elle ne s'installe jamais avec lui tant que je suis encore sa babysitter.

Dans un accès d'immense bonté — notez l'ironie — Justin nous a laissé le salon, à moi et mon petit ami, pour la soirée.

– Mais il n'est que minuit, voyons, plaisanté-je en guise de réponse.

Isaac soupire et se redresse péniblement.
– Moi, je suis exténué, avance-t-il, alors j'y vais.

– T'inquiète pas, je viens avec toi... j'espère rattraper mon insomnie de la nuit précédente.

Arrivée dans ma chambre, je m'apprête à m'affaler sur mon lit mais m'interromps juste à temps en poussant un cri de terreur.
Sur le lit. En plein sur mon oreiller. Une araignée toute poilue grosse comme deux capsules de bières. Morte.

Je hais les araignées. J'en ai une véritable phobie.
Et dire que j'allais plonger la tête la première dans... ça!

– Qu'est-ce qu'il se pa-... merde, c'est quoi ça? s'écrie mon copain, affichant une mine dégoûtée.

Je ne prends pas la peine de lui expliquer et hurle:
– JUSTIN! Tu me le payeras!

Une réponse me parvient bien vite de la pièce à côté:
– Je l'ai trouvé dans le coin d'un placard au milieu de la poussière et j'ai pensé que ça ferait une jolie décoration! Tu sais, le noir de l'araignée avec le blanc de l'oreiller... excuse-moi d'avoir du goût!

Je respire profondément pour m'apaiser. Il est irrécupérable.
À côté de moi, Isaac s'emporte:

– Non mais il se prend pour qui? Je vais aller lui parler, moi! Il a jamais été éduqué?!

J'esquisse un vague geste de la main.
– Laisse couler, ça vaut pas la peine...

Il ne fait pas mine de quitter la chambre mais je vois bien sur son visage qu'il n'est pas calmé.

– Maintenant, emmène ce truc loin de moi, supplié-je.

Il s'exécute puis nous nous mettons au lit après que j'ai minutieusement inspecté chaque parcelle des draps.

Très vite, la respiration d'Isaac se fait plus régulière. J'attends encore un peu, puis me lève et quitte la chambre le plus doucement possible.

J'entre brusquement dans celle de Justin, chez qui la lumière est encore allumée.
Lorsqu'il m'aperçoit, il m'adresse un sourire radieux.

– Toi! menacé-je en le pointant du doigt.

Je m'avance vers lui. Sans qu'il s'y attende, je me jette littéralement sur lui et saisis un coussin pour l'écraser sur sa tête.

Il se met à gigoter dans tous les sens.
– Arrête, tu vas m'étouffer!

– Ce sera pas une grande perte.

D'un geste soudain, il lève le bras et me tire les cheveux. Je suis obligée de lâcher prise et il envoie l'oreiller par terre.

– Aïe, aïe, aïe! Lâche-moi!

Ce qu'il fait... mais il ne perd pas de temps et à lui de me lancer un oreiller à la figure.

– Bataille de polochons, j'adore ça! crie-t-il.

– Tais-toi, tu vas réveiller Isaac!

– Pas de batailles alors? fait-il avec une moue déçue.

Je roule des yeux, m'allonge près de lui puis rabats la couette sur nous.
Je ne sais pas ce qui me retiens de regagner ma chambre...

Il hausse un sourcil.
– Tu veux passer la nuit avec moi, tu es sûre?

– Je tâcherai de rester éveillée jusqu'à minuit; après, je suis sûre que tu ne pourras pas me faire de sales coups puisque la compétition commence, souris-je.

Il lâche un ricanement.
– Même si tu restes éveillée quelques heures encore, tu n'es à l'abri de rien...

– Roh, laisse-moi un peu.

Je lui tourne le dos pour me coucher sur le côté et ferme les yeux.
Malheureusement, au bout de quelques secondes à peine, un poids s'abat sur mon visage.

Offusquée, je m'exclame:
– Tu m'as balancé ton bras dans la figure, connard!

– Oups, je ne faisais que m'étirer.

– C'est ça, oui, soufflé-je.

Nous restons muets un moment, jusqu'à ce que Justin brise le silence d'une voix plaintive:
– Je m'ennuie, parle-moi.

– Laisse-moi dormir, le remballé-je.

– C'est toi qui t'es installée avec moi! Si tu veux rester ici, fais la discussion...

Je change de position en soupirant pour m'allonger face à lui. Il a son petit sourire en coin, que je commence à aimer à force de le voir.
J'esquisse un sourire timide à mon tour.

Pendant plusieurs minutes, nous ne nous quittons pas des yeux. Je soutiens son regard sans aucune gêne.

Doucement, dans un geste hésitant, il tend son bras vers moi et replace une mèche de mes cheveux derrière mon oreille.

Une vague de chaleur m'envahit et, immédiatement, je me racle la gorge et m'écarte vivement, me rallongeant sur le dos.

Un frisson me parcourt. Je n'arrive pas à déterminer pourquoi je l'ai directement arrêté... est-ce parce que je n'ai pas envie qu'il me touche? Ou, au contraire, parce que j'ai eu peur de le laisser faire en imaginant ce qui aurait pu se passer par la suite?

Je soupire et me focalise sur un point imaginaire au plafond.
Je me fais des idées!

Il m'a replacé une mèche de cheveux parce qu'elle me tombait sur le visage, c'est tout!

À côté, lui aussi se ressaisit et s'appuie sur son coude pour se tourner vers moi.
Sa tête à une dizaine de centimètres au-dessus de la mienne, il me toise d'un sourire moqueur:

– T'as cru que j'allais t'embrasser, ou quoi?

– Pas du tout, rétorqué-je d'une voix mal assurée.

– Tu as eu peur de ne pas pouvoir me repousser si je l'avais fait, je suis sûr, ajoute-t-il d'un air vaniteux.

– L'espoir fait vivre, Justin. Continue de te dire que toutes les filles te trouvent magnifique, mais un jour ou l'autre tu seras déçu.

Il se baisse et mon cœur rate un battement.
Je n'esquisse pas un mouvement, comme paralysée, lorsqu'il dépose un léger baiser à la commissure de mes lèvres.

Puis il s'éloigne et se recouche, fermant les yeux.

À l'intérieur de moi, je bouillonne. J'aurais du faire quelque chose, l'envoyer bouler! Qu'est-ce qu'il m'a encore pris?

– Bonne nuit, me souhaite-t-il.

Je soupire.
– Bonne nuit.

Je m'enfouis sous les draps et clos mes paupières à mon tour.

***

B A B Y S I T T E R  | j.bWhere stories live. Discover now