Shadows Disappear † Jimin †

† CHAPITRE 1 †

CHAPITRE 1 †

Il était allongé dans le noir, dans un appartement froid, sans âme, il était recroquevillé dans son lit miteux, de sa chambre impersonnelle. Plongé dans l'ombre. Jamais il ne sortait de ce lit, seulement pour prendre une douche, aux alentours du coucher du soleil. Ainsi, il s'habillait de noir, recouvrant ses jambes d'un jogging et ses cheveux de la capuche large de son sweat. Passer inaperçu, se fondre dans la pénombre, disparaître de la société, tel était son obsession.

Se confiner dans sa chambre, se mutiler, prendre une douche, aller acheter de quoi manger et boire, c'était le malheureux quotidien de Jimin. Imaginer un homme de vingt-deux ans pourrir dans le noir n'est pas de nos premières pensées.

Les gens normaux font la fête, boivent, dansent jusqu'aux aurores. Ils profitent de la jeunesse comme si demain n'allait jamais arriver. Il suffit de s'aimer soi, rien qu'un minimum.

Jimin n'était pas comme les autres, non pas qu'il refusait de l'être, on l'en empêchait. Sortir au contact du monde était éprouvant, se regarder dans un miroir était éprouvant, vivre l'était encore plus pour lui.

Depuis le début, il n'était que poussière, un être si insignifiant du monde, sans grande utilité. Un humain que personne n'appréciait, c'était quelqu'un qui était né pour être objet de bien des souffrances. Un bouc émissaire universel. Dieu, les élèves, la vie étaient contre lui. Jimin était ce genre de personne incomprise qu'on maltraitait rien que pour le plaisir.

Son enfance avait été détruite par des imbéciles qui n'avaient sans doute aucune idée de la réelle définition du mot souffrance. Jimin, lui, le connaissait par cœur, ce mot représentait ce qu'il ressentait ainsi que la raison de sa présence sur Terre. Servir de défouloir universel était son unique rôle, la seule destinée que Dieu avait daigné lui offrir.

D'abord la mort de ses parents, c'était violent. Il avait perdu à six ans, les deux seuls êtres humains qui s'intéressaient à lui. Les deux seules personnes qui souhaitaient son bonheur et sa réussite. Tout ceci entraînant de nombreuses alternatives de la vie. Des alternatives qu'on espère ne jamais connaître. On ferme les yeux sur elles, ayant peur de croiser leurs yeux destructeurs.

Le poids, le plus grand complexe d'adolescents, d'enfants et parfois même d'adultes. Manger, beaucoup, et grossir. Avoir un ventre qui dépasse du t-shirt, appelé plus communément une brioche, des cuisses qui moulent le jean acheté pourtant une taille au-dessus. La honte de marcher en public parce que le regard des autres est plus pesant qu'une foule de paparazzis à l'affût du nouveau potin d'Hollywood.

La famille d'accueil dans laquelle il avait été recueilli ne s'occupait pas de lui, il avait l'impression d'être un parasite à la table durant les repas. Alors il ne bronchait pas, il mangeait tout ce qu'on lui donnait. Passer pour un enfant capricieux était dans ses dernières préoccupations. Il avait déjà tellement de choses à gérer à côté. Le harcèlement scolaire qui durait jusqu'à la fin du lycée, le faisant se réfugier toujours et encore plus dans la nourriture.

Désormais, Jimin représentait l'ombre de lui-même. Un homme sans destinée, sans ambition, sans avenir. Une personne n'ayant aucune idée de ce qu'est la vie. Il n'avait plus foi en Dieu, la vie n'avait aucune valeur ni aucun sens à ses yeux. Au contraire, elle le torturait. Chaque jour était comme un énorme fardeau pesant des tonnes sur ses épaules. Il souhaitait qu'une seule chose, mourir.

Jimin se rappelait un jour en particulier. Ce jour, il récupérait un journal gratuit dans l'épicerie où il avait l'habitude d'aller. Un article avait attiré son attention. Ça parlait d'une femme qui était allée en Belgique pour se faire euthanasier. Apparemment, la femme souffrait d'un mal intérieur incurable, elle avait décidé de mourir, et les médecins en Belgique avaient accepté d'écourter sa vie, ses souffrances. Jimin n'était pas bien différent d'elle, il lui ressemblait comme deux gouttes d'eau.

En effet, le jeune coréen était habité d'un mal incurable et constant. Ce mal l'empêchait de mettre fin à ses jours, Jimin était tenu en laisse, il était contrôlé par cette force destructrice. Elle lui faisait faire des choses étranges et effrayantes, c'était cette chose qui le poussait à se tailler les veines.

Les ombres se nourrissaient du mal-être de ce garçon, elles grossissaient encore plus quand le sang coulait de ce corps frêle.

Jimin ne ressemblait plus du tout au jeune adolescent obèse du lycée. Il avait arrêté de se nourrir mal il y a un an, mangeant un repas par jour, le soir. Au fil du temps, il avait perdu beaucoup de poids, son ventre était devenu plat, ses cuisses étaient dures comme de la pierre et paraissaient musclées, ses bras étaient redevenus normaux. Il aurait presque plu aux centaines de filles qui habitaient Busan. Pourtant, il était un garçon discret qui passait inaperçu. Il n'osait pas parler aux autres, par peur de les approcher. Les ombres se nourrissaient aussi de celles des autres. Rester près des gens le rendait encore plus malade que ce qu'il n'était.

Il pourrissait un peu plus chaque jour.

C'est pour ça qu'il restait chez lui, confiné à l'abri du contact humain, afin de limiter ses souffrances.

L'euthanasie était le seul moyen pour lui de s'en sortir, de vivre enfin en paix. Même si ça impliquait la mort, c'était toujours mieux que tout ce qu'il était aujourd'hui. Il voulait qu'on lui fiche la paix, parce qu'il était épuisé à force de résister. Ça ne servait à rien de rester en vie alors qu'il n'était qu'une coquille vide, dénuée de toute émotion. La vie ne lui avait fait aucun cadeau, seulement de mauvaises farces, entraînant sa destruction.

Flavie ♡