Pour Grandflots

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Théobald n'en revenait pas.  Que son père  souhaite l'intégrer dans un bataillon, c'était déjà très dur de réaliser. Mais le fait étant que la capitale ainsi que tout le comté sont en danger était encore plus bouleversant. De la sueur coule sur le visage du jeune garçon, devant Gilderoy, dont la stupéfaction était grande. Il ne s'attendait pas à ce que son fils se tint à l'entrée de la salle.


- Je vais t'expliquer plus en détail, commença sa paternel avant d'être interrompu.

- Circulez ! Plus de parasites près du comte ! Vaquez loin d'ici.

Les deux concernés s'en allèrent sans plus tarder. Avant de descendre l'escalier, Théobald aperçut Auréline qui était restée dans ses quartiers. Son regard était empli d'empathie et de tristesse. Elle semblait comprendre sa situation. Le garçon lui adressa un léger sourire pour lui faire part de sa sympathie et de ses remerciements.

De retour sur la place de Grandflots, il était temps de rentrer à Beauval le Bourg. La marche commença vers le village.


- Mon fils, pourras tu me pardonner ?

- De ne m'avoir rien dit sur tes projets à mon égard ? Tu peux avoir honte. J'ai peut être mon mot à dire !! lança Théobald en colère.

- Je ne pensais pas que les circonstances m'amènerait à en parler d'abord au comte. 

- Ne pouvais-tu pas me le dire avant de partir en parler à Argon ?

- J'étais révolté et désespéré. Devant la menace qui pèse sur la région, je préfères que tu te battes comme un homme pour ta patrie. N'aurais tu pas eu des regrets de ne pas combattre pour protéger ton peuple ? Le sentiment d'avoir été inutile alors que les fiers hommes se démènent pour assurer prospérité et couvrir femmes et enfant ? Justement Théobald, en parlant d'enfant, tu n'en es plus un. Et je sais que malgré ta faible stature, tu apporterais ta pierre à l'édifice dans le bataillon de Grandflots. rétorqua l'homme sur un ton partagé entre la révolte et la compassion.

- Je n'ai jamais voulu combattre, père ! Quand je m'érafle la peau en récoltant les patates, je comprend pourquoi je ne serais jamais prêt à affronter un adversaire. Les plantes coupantes me font déjà peur, alors une épée ? Etre un homme n'a jamais été pourfendre son adversaire avec une arme !

- Et quelle est ta définition d'un homme ?

- C'est un individu masculin qui assure l'avenir de sa famille en contribuant par la même au développement du monde et à son fonctionnement. Un boulanger est pour moi un homme.

- Mais même un boulanger accoure au combat lorsque c'est nécessaire, mon fillot. Fais toi à cette idée. 

- ...


Père et fils arrivèrent au pont levis, une fois franchi, il ne leur restait qu'à emprunter le chemin jusqu'à Beaubourg le Val. Théobald se retourna pour contempler le lac. "Entouré de ce lac et de cette enceinte, que demander de plus ? Loin de la guerre, loin des tourments extérieurs ...".


- Des gardes passeront demain pour t'emmener à l'endroit de l'initiation. En fait, je suis de départ demain. Je dois rencontrer le duc de Burgonde pour lui demander des renforts. C'est mon devoir.

- Sérieusement ? Tu ... !!!!! s'écria le jeune garçon.

- Oui, je dois t'abandonner pour cette tâche vitale ! Je sais. Surenchérit Gilderoy en coupant  son fils. Mais vois les problèmes comme des opportunités. Arrêter de se plaindre et prendre les difficultés à bras le corps, c'est aussi ça, être un homme. Le plus fol des individus est parfois le plus accompli et le plus comblé.

- Foutaises ! Je veux vivre ma vie comme je le veux ! C'est ça être comblé pour moi ! 

- Lors de mon départ, tu manqueras vite d'argent pour subvenir à tes besoins. Au moins, tu seras payé pour les services militaires que tu rendras à Grandflots.

- Je te hais ! Cesses de me rendre malheureux et laisses moi vivre ma vie ! 

- A ta guise, mais tu ne pourras pas échapper à l'inévitable. Je partirais demain à la première heure. Réfléchis bien à ce que tu feras sans moi.

Théobald était tourmenté par ce qui l'attendait. Pourquoi combattre et se battre ? Protéger les siens ? Foutaises. Diantre ! Sac à Ennuis ! 


Rentrés à la maison, les deux Beauvalois, ne tardîrent pas à se coucher.

- Théobald ?

- Va t-en.

- Écoutes moi au moins.

- Que neni !!

- Tu n'as pas connu la guerre alors tu penses naïvement que la paix régnera toujours. N'attend pas de perdre des êtres chers avant de réaliser que tu aurait pu changer le cours de leur destin. Et je ne veux pas te perdre, mon fils, je reviendrai au plus vite avec des renforts. Je t'aime. Je m'excuse de ne pas t'avoir traité comme un homme. Tu a l'air décidé à ne pas te battre et sûr de tes ambitions. C'est aussi ça, être un homme. Mais aux yeux des autres, mourir sans combattre quand on est de la gente masculine, c'est être lâche. Pour moi, tu commences à être un homme, apprend à exploiter le potentiel d'un véritable homme. Fais le au moins pour Grandflots.

- Père ...

- Ne dis rien, tu as le temps de réfléchir avant que l'heure de dormir ne vienne.

Des larmes coulèrent sur les joues du jeune homme

- Ne me laisse pas ... Je ne vais pas y survivre.

- J'ai foi en toi, mon fils. Tu ne seras pas seul pendant les entraînements. Et n'oublies pas que je le fais pour Grandflots, pas pour être un homme ou pour faire plaisir à la populace*. Fais de même. Bonne nuit.

- Bonne nuit.

Théobald n'arrivait pas à fermer l'oeil. Il avait besoin d'évacuer. Il sortit un parchemin. Il commença à écrire avec sa plume et son encre.

Martis Dies, 8 de Maius 1129 *

"Cher journal ...."

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Petit suspens sur ce que Théoblad s'apprête à écrire ;) 

J'espère que ce passage, un peu long, vous plaira !


*populace = peuple, population

*Martis Dies, 8 de Maius 1129 =  (Mardi 8 Mai en latin)  cf calendriers chrétiens et juliens (http://www.saint-dicton.com/calend/ca-gregorien.htm)

Par l'acier, par les motsWhere stories live. Discover now