Par l'acier, par les mots

Amère victoire

MUSIQUE 

- Il est en vie !! s'exclama quelqu'un. C'est un miracle ! Loué soit notre seigneur ! Père Pastor ! Venez voir ! 

- Quel est donc ce vacarme, mon jeune disciple ? J'aurai entendu sans cette tumulte ! s'exaspéra le vieil homme.

Théobald, qui venait de sortir se son inconscience, vit la tête du vieux prêtre ridé. Il avait une barbe blanche et une tonsure : rien de bien surprenant pour un religieux de notre temps. Son regard, porté vers le jeune convalescent,  véhiculait l'accablement : celui de la vétusté* et de la fatigue. Il portait un manteau à capuche marron orné d'une croix religieuse. 

- Bienvenue, jeune Théobald.... Je dois dire que tu reviens ... d'entre les morts. 

- Ou suis-je ??? se précipita Théobald. Il tenta de se lever, mais sa surprise d'eu d'égal que sa douleur.

- Arggghhh!!

- Reste allongé, inconscient ! Tes blessures vont se ré-ouvrir ! 

En effet, le jeune homme avait complètement omis ce détail. Il s'était presque fait déchiqueter en deux par la mâchoire du loup bicéphale. 

- Calmes toi. Tu es dans une salle de la chapelle de Grisbois, c'est à dire pas très loin de la caserne sentinelle ou tu te trouvais avant ton périple. Tu es resté inconscient pendant quatre jours, nous sommes les 13 de Maius.

- Quatre jours ??? dit Théobald, stupéfait.

- Pour tout te dire, un guérisseur t'a amené ici accompagné de quelques hommes. Même si tu avais déjà reçu des soins et que ton hémorragie était stoppée,  tu n'étais pas encore tiré d'affaire. Alors, nous avons mis moi et mes assistants de l'eau bénite sur ton corps à plusieurs reprises : nous avons prié et prié encore pour ton salut.  Un mal inconnu te rongeait malgré l'effusion de sang avortée : tu ne te réveillait pas, tu avait surement attrapé une maladie aux effets foudroyants. 

   Nous nous étions fait une raison. La vie te quittait petit à petit, et tu as fini par périr. Nous avons vérifié deux fois et tu t'es réveillé une heure après ta mort : c'est à n'y rien comprendre ! Bénis sois Jésus Christ qui a repoussé le mal loin de ton corps. Dit le Père d'un ton solennel. 

- Ca n'est pas possible ! Je ne puis échapper à la mort ! 

- Et pourtant.

- Passons ! Je dois rejoindre Jason et les autres ! Comment vont-ils ?

- Cela, je l'ignore. Ce doit être tes camarades mais nous sommes reclus de toute population, et je n'ai pas eu de nouvelles depuis que l'on ta amené ici. Cependant, on a m'a fait part d'une bataille ravageuse entre une bête endiablée et un escadron de soldats. Il n'y a apparemment eu que peu de survivants.

- Je dois sortir d'ici ! 

- Dans ton état, impossible ... Tu as bien du te rendre compte que bouger équivaut à souffrir. Il te faudra une bonne semaine pour récupérer totalement. Tu étais mort il y a encore quinze minutes. Sourit avec amusement Père Pastor.

- Je ne le puis !! Une bataille va avoir lieu sous peu ! Le duc de Valatre veux Paris en passant par Grandflots ! Je dois prendre mon épée et me battre !

- Et ou iras tu dans cet état ? Essaies déjà de sortir de la chapelle et nous en reparlerons. Lança le vieil homme d'un air désolé. Que tu le veuilles ou non, tu vas devoir rester ici pour le moment. Tu te feras à cet endroit, même si c'est plus austère que Grandflots.

- Je te laisse te reposer, jeune homme ... quand je pense que tu t'es battu avec un loup Bicéphale ... je ne sais point si c'est cette créature ou le fait qu'un brin d'homme comme toi l'ai combattu qui est le plus incroyable ...

- Un brin d'homme ... et bien voyons ... j'ai eu le courage de me battre, au moins ... dit Théobald, vexé. 

- Oh, je suis meilleur à prier, pour ma part. D'ailleurs ... Il est l'heure pour moi d'y aller. Restes allongé. Mon apprenti, va prévenir un certain Jason que ce jeune homme est en vie.

Théobald resta un moment à se remettre de l'implacable vérité. Il avait beau s'être battu pour survivre et devenir plus aguerri, il se retrouvait ici dans ce lit d'infirme, incapable de se mouvoir. Quelle amère victoire. 

Pensant à son père, à ce qu'il pouvait devenir, il se résolut à devoir rester loin du combat et loin de son paternel ... Une heure passa pendant laquelle le malheureux aurait préféré rester dans le coma plutôt que de penser autant. Quand soudain ...

- Théobald ! Ou es tu ? Seigneur ! 

- Du calme mon garçon ! S'écria Père Pastor. Mon ami, guide ce jeune homme jusqu'à Théobald.

Il s'exécuta. Jason vint au chevet du guerrier blessé, dans une salle à part. Il constate alors que son confrère est dans un piteux état.

- Doux Jésus ! Tu es vivant !!!

- Oui, mais je suis dans de beaux draps, n'est-il pas ? Me voila ici à devoir croquer marmot* ...

- Mais tu es parmi nous ! C'est un miracle ! Des rumeurs contaient ta mort ! Et vu l'état dans lequel je t'ai vu auparavant, cela ne m'aurait guère étonné ! Les deux compères se sourirent.

- Dis moi en plus sur la bataille ... Il paraît qu'il y a eu de lourdes pertes ? demanda Théobald, intrigué.

- Oui effectivement ... sur le rapport officiel, on a perdu onze de nos soldats et il y a eu deux blessés, dont toi ... Je suis un veinard, c'est une certitude. Soupira Jason, desespéré. Au moins, nos frères d'armes seront morts avec les honneurs, face à la bête, ils n'ont pas fui, pas reculé, c'est à ça que l'on reconnaît les vrais soldats.

Un moment de silence prit place.

- Et tu sais, en quatre jours, nous avons pu avoir un message de ton père, il est bien arrivé en terre Burgonde, à Troyes, il est certainement en train de parlementer avec leur chef, pour obtenir des renforts. Le plus inquiétant, cependant, c'est à propos de la Touraine, le duc de Voilatre fait route vers Grandflots. Des éclaireurs de notre patrouille on pu les observer à trois jours d'ici !

- Oh non ! Mon père ne sera jamais revenu à temps ! Et les renforts aussi ! 

- J'en ai peur.  

- Il faut se préparer à la bataille, et au pire ...

FIN 

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*Vétusté = vieillesse 

* Croquer marmot = attendre en se morfondant sans rien faire.