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La première chose que je fis en ce jeudi fut de relire une dernière fois mon article sur les criminels avant de l'envoyer à Sibylline. Je n'eus pas besoin d'attendre une dizaine de minutes qu'elle m'appela.

« Tu es bien matinale aujourd'hui, me fit-elle remarquer. Tout va bien ?
- Impeccable, souris-je en lui répondant. Pour tout te dire, je suis soulagée d'avoir terminé de rédiger l'article, il était beaucoup plus intense à écrire que je ne le pensais.
- Je comprends mais en tout cas, tu ne m'as pas du tout déçue. C'est très synthétique, ouvert, assez léger mais en même temps intense. C'est parfait pour tout te dire. »

La petite boule au ventre qui s'était formée au début de la rédaction de l'article s'en alla enfin pour laisser place à un pétillement de bonheur.

« Oui j'arrive, l'entendis-je dire un peu plus loin du combiné. Elizabeth, il faut que j'y aille. La réunion de demain au QG à quinze heures est toujours d'actualité.
- Très bien, à demain alors ! m'écriai-je rapidement avant qu'elle ne raccroche.
- Oh et, dis à Ève d'être à l'heure cette fois-ci s'il te plaît, ne put-elle s'empêcher d'ajouter d'un ton léger avant de raccrocher. »

Mon Dieu, sauvez cette enfant, même la patronne en a marre.

Je me levai de mon fauteuil avec un énorme sourire aux lèvres. Je savais pertinemment que ce n'était pas méchamment dit. Pour rien au monde parlerait-elle de quelqu'un avec de la méchanceté. Et puis, Ève était une personne absolument adorable, mais être à l'heure semblait être mission impossible.

Voyant qu'il faisait idéal dehors, je me changeai en tenue de sport afin d'aller courir dans le parc. Alors que je m'apprêtais à prendre la droite pour entrer dans ce dernier comme à ma plus grande habitude, je m'arrêtai si brusquement que quelqu'un me rentra dedans. Je fus alors projetée violemment sur le goudron.

« Mon Dieu, excusez-moi! s'exclama une voix féminine.
- Aïe. »

Ce fut le seul son que je pouvais émettre tout en me relevant doucement et en me massant les poignets. Je me retournai pour voir qui m'était rentrée dedans quand elle recommença à s'excuser.

Ce n'était qu'une autre joggeuse qui tenait ses écouteurs à la main et portait un air désolé sur son visage rougi, probablement par l'effort et l'embarras. Elle était bien plus petite que moi. Je ne continuai pas mon inspection plus longtemps que je lui dis que c'était entièrement de ma faute, je m'étais arrêtée en plein milieu, sans crier garde. Après quelques sourires échangés, elle finit par repartir dans son élan et pénétra dans le parc.

J'allais moi-même reprendre mon trajet quand je me demandai pourquoi je m'étais arrêtée dans un premier temps.

Ah oui, je ne voulais pas entrer dans le parc.

Je voulais du changement, briser ma routine.

Il semblerait que mon esprit ait besoin de changement, de liberté, de ne plus se sentir oppressé par les habitudes.

Mais pourquoi ?

Cela restera un mystère à tout jamais.

Enfin, du moins, c'était ce que je croyais.

Je regardai alors tout autour de moi et décidai de continuer à longer le trottoir. Il était vrai que cela changeait de la routine; observer les quelques personnes matinales de Lille aller boire leur café au café du coin ou acheter des journaux dans les rares endroits qui en vendaient encore procurait une sensation de bien-être différent à celui de courir dans un espace vert.

Paradoxalement, j'avais l'impression qu'il y avait plus de vie en ville que dans le parc. Même au milieu de ses voitures, voir l'agitation quotidienne du centre-ville donnait envie d'être actif. C'était donc avec le sourire aux lèvres que je courus une bonne heure avant de rentrer chez moi.

Love on Notes [Publié avec &H]Where stories live. Discover now