Chapitre 12

146 22 0
                                    


Je fus réveillée par une féroce envie de faire pipi et des crampes au bas-ventre. Je me retins de me flanquer une baffe. J'avais complètement oublié que c'était la période de mes règles. J'allais pêcher deux paquets de mouchoirs dans mon sac à dos et sortis de la tente en espérant que ce serait suffisant jusqu'au lendemain matin. Alors, je demanderais à Meredith s'il existait un sortilège pour faire apparaître un tampon.

Je marchai vers le lieu désigné pour servir de toilettes à la lueur de ma lampe-torche, en butant tous les deux pas. Le vent s'était à nouveau levé, mais dans le ciel, on entrevoyait quelques étoiles. J'allais retourner à la tente, lorsque je réalisai qu'il y avait une autre raison à mon malaise : ma perception spéciale. J'avais l'impression que la magie jouait une autre mélodie qued'habitude, plus lente, plus lourde. À ce moment, j'entraperçus une vague lueur venant de ruines et entre le bruit de vagues et des rafales du vent, j'entendis une sorte de chant étouffé dont je fus incapable d'identifier un seul mot.

— Bien sûr, il fallait bien que l'un des trois se risque à une invocation, grogna Bao.

Je me ruai vers les tentes et entrepris de secouer Meredith. Sa seule réponse fut un ronflement sonore. Je la secouai de plus belle, la pinçai, sans le moindre effet. Elle n'était tout de même pas ivre-morte ? Elle avait l'air parfaitement claire, la veille après deux bières, lorsque nous étions parties nous coucher. Ce n'étaient pas deux malheureuses canettes qui allaient ratatiner cette fille des cités de Liverpool ?

Je rentrai dans la tente des garçons et les secouai frénétiquement à leur tour sans plus de succès.

— Ils sont drogués, commenta Bao.

— Quoi ??

— Et toi aussi, tu aurais du dormir paisiblement si tu avais bu cette bière.

— C'est Brandon ! C'est lui qui les avait amenées ! fis-je incrédule. Il nous a tous drogués pour pouvoir aller chanter dans le monastère !

— Je serais plus prudent dans mes conclusions. Celui que j'ai entendu chanter était Vladimir. Maintenant arrête de faire du bruit, éteins ta lampe et regarde discrètement dans les autres tentes.

Celles de Brandon, Brenda et Vladimir étaient vides.

— Mais qu'est-ce que c'est que cette putain d'embrouille ?

— On dirait que chacun d'entre eux essaye de tromper les autres... Cependant, à ta place, je ne resterais pas à proximité des tentes. Celui qui a fait ça va peut-être revenir et tuer ceux qu'il a déjà drogués. Tu devrais aller te cacher à l'autre bout de l'île, là où n'ira pas te chercher tout de suite.

Je me tins quelques instants immobile, mon cerveau tournant à pleine vitesse. Oui, il fallait se sauver... Mais les autres ? Une faisceau lumineux jaillit brièvement du sol dans le monastère.

— Et Meredith ? Jay ? Alistair ? je ne peux pas les laisser comme ça !

— Je craignais que tu dises quelque chose dans ce genre.

— Alors trouve une idée !

Tout en parlant, je fis demi-tour et pris la direction des ruines en essayant de ne pas faire un faux pas. Je crus voir une ombre bouger à l'endroit où j'étais tombée dans l'après-midi. Je m'empressai de m'accroupir derrière une pile de pierres et jetai un coup d'œil dans l'ouverture. Un très fin pinceau de lumière en jaillit, tenu par la main de Vladimir. Il semblait mesurer quelque chose avec un centimètre ruban et un rapporteur. Une fois satisfait, il se plaça à pied joint dos au mur devant l'arche marquée "Scriptorium", tira un carnet de sa poche et entreprit de lire quelque chose à mi-voix. Son incantation n'eut aucun sens pour moi, jusqu'à ce que je reconnaisse du grec ancien. Ma surprise ne fut rien à coté de celle que j'éprouvai l'instant suivant. Des étagères de pierre jaillirent des ténèbres, avec des volumes ventrus et des piles de rouleaux alignés au cordeau. Une douce lumière mordorée en émanait.

NéosorcièreOnde histórias criam vida. Descubra agora